Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog de HP
14 mars 2008

Souvenirs, parfums d'enfance.

noel2006__43_

Qui aurait pu penser que ce poupon joufflu deviendrait, quelques années plus tard, le grand échalas à la maigreur désespérante ?

Le petit Henri, Quiquin pour la "llella", sa grand'mère d'Espagne, et Riri pour celle de France posait sagement devant l'objectif du photographe madrilène un mystérieux objet indéterminé à la main.
C'était il y a fort longtemps, et je me souviens de Chambery, ce quartier résidentiel de Madrid où nous habitions alors.
62 calle Garcia de Paredes, en face de la chapelle de "la Milagrosa", il fallait bien un tel patronage pour faire de moi le délicieux bambin accompli  que j'étais...

Bon, soyons sérieux, "délicieux" dépendait du moment et de l'angle de vue, mais ce qui est certain c'est que le "petit Henri" était un buveur-buvard de tout ce qui l'entourait et qu' encore aujourd'hui sa mémoire plonge avec une étonnante précision dans les archaïsmes emmagasinées par son cerveau.
Rappelez-vous l'épisode du petit chat récessif...

La seule vue de cette photo par exemple, ou un son de voix venu des ailleurs d'autrefois, un goût qui vous transporte de langue à passé ou encore une odeur si ce n'est un éblouissement inattendu qui vous rendent votre Pays des Merveilles avec une acuité et une actualité qui semblent se jouer du temps et de l'espace, les abolir.

Je me souviens même des souvenirs des autres, je me revois un matin de déballage des étrennes m'emparer d'une petite poule mécanique en fer peint et, crayon en main, la dessiner immédiatement. Enfin, papa me raconta sa surprise de voir le volatile si bien croqué, tellement de fois qu'il me semble assister à cette scène comme spectateur de moi-même.

Mais je me rappelle parfaitement (la coquetterie serait' elle innée ?)d'innombrables détails vestimentaires : une de mes barboteuses en tissu que l'on nommerait maintenant "Liberty" vert à légères fleurettes, le petto à bretelles croisées dans le dos s'ornant de ravissants smocks, et aussi ce petit chandail blanc au centre duquel une tête de chat bleu de ciel avait été appliquée, il fut acheté par mon géniteur Crescent avec ma complicité pour "faire une surprise à maman" en rentrant à la maison.
Je sens encore la délicieuse douleur de ces chaussures en pécari beige clair qu'aucune torture ne m'aurait fait abandonner tellement elles me plaisaient, je les ai gardées et elles m'ont toujours fait souffrir sans que j'en dise rien. Je les aimais.

Et les séances de couturière auxquelles j'accompagnais maman ; Henriette était coquette, et très belle il faut le dire. A l'époque la couture n'était pas affaire de marketing, ça n'existait pas, mais Dior ou Balenciaga donnaient un ton que les couturières adaptaient à leurs clientes avec plus ou moins de bonheur.
Je me revois encore, contemplatif comme devant le Saint-Sacrement, assister au difficile arrondi d'un ourlet qui devait être impeccable, maman juchée sur un tabouret et la couturière à genoux, coussinet d' épingles en main, appliquée à cette tâche avec une gravité quasi religieuse ; maman, elle, se grisait de son reflet dans les miroirs disposés en angle.
Ah la robe "new-look" bleu marine ornée sur l'épaule gauche d'un hirondelle stylisée blanche très Braque !

Et, il n'y a guère, dans ce magasin de paris "Le Parasol", la découverte d'un fonds de parfums invendus "Soir de Paris" de la maison Houbigant. La seule vue du flacon bleu nuit au bouchon argenté me rendit ma mère occupée aux derniers rituels de sa toilette, poudre de riz aux effluves si délicates et le parfum suranné, alors en vogue, très "Jolie Madame", appliqué derrière les oreilles et sur la face interne des poignets.
Bien sûr, j'en achetais plusieurs pour les offrir à Henriette ; son émotion ne fut pas à la hauteur de mes attentes, les femmes ne doivent pas être fidèles aux modes passées, mais moi je m'enivrais quasi sauvagement du parfum retrouvé.

Un jour, toujours à Madrid, ma mère m'emmena au cinéma, je devais avoir cinq ou six ans et le film français projeté était un "Marie-Antoinette" dont je ne me rappelle plus l'auteur mais dont les dramatiques images flottent toujours dans ma tête. Et je mordis au hameçon, la Reine brillante et tragique ne m'a plus quitté.

Hier j'assistais au vernissage de l'exposition qui est consacrée à la souveraine au Grand Palais à Paris, mais ceci est une autre histoire.

Je vous la raconterai...

 

Publicité
Commentaires
A
Quelle jolie manière et dans quel style ce parfum d'intimité. Le moment de l'ourlet m'a fit remonter des bouffées de souvenirs. Chris Tian Vidal avait bien raison de me conseiller de venir me promener sur ces terres.
Répondre
H
@ mes fidèles : Il est réconfortant de se sentir dépositaires de ces émotions parentes qui nous rapprochent tellement, comme si un fonds commun de musiques de l'esprit nous était donné en partage.<br /> Merci de me confirmer cette intimité.
Répondre
O
C'est vrai que cette photo est touchante. Le regard du "petit Henri" est visiblement à la recherche de l'autre... <br /> <br /> Content de retrouver ta plume (virtuelle).
Répondre
C
Entonces, tù, fuiste un milagro...
Répondre
M
La madeleine de Proust ? Nous la savourons tous, de temps en temps, mais nous ne sommes pas très fidèles, nous avons tendance à sublimer nos souvenirs, surtout... quand on vieillit !
Répondre
Derniers commentaires
Publicité
Archives
Le blog de HP
Newsletter
Publicité