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Le blog de HP

21 juillet 2023

Ginette, la vie d'une femme Française

 

20230719_101930

anniversaire Ginette (10)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ginette naquit en Haute-Marne à l'aube de l'année 1931.
Ce 19 juillet, nous l'accompagnions en sa dernière demeure au cimetière de Charmes la Grande..
Je dédie cette page à Sloane et à ses sœurs Brigitte et Christine, les trois filles qu'elle eût de Gilbert son mari qui la précéda dans la tombe en 2018.
Ginette, encore petite fille, connut l'infortune de perdre sa mère, ses études n'allèrent pas bien loin, les fermes de l'époque requerraient toute l'énergie de la maisonnée pour les travaux aux champs et les tâches ménagères.
La vie entière de Ginette s'écoula entre la ferme familiale de Noncourt et celle de son mari à Charmes-la-Grande.
La vie était rude à l'époque pour une maîtresse de maison à la campagne, le monde était encore régi par les hommes.
Quoique...
Pour peu que les femmes sachent, sous le masque de la soumission, faire preuve de détermination, les choses n'étaient pas aussi simples, L'histoire de Ginette en témoigne :
Vous savez bien que les hommes, pétris de leur gloriole et corsetés de vanité sont des colosses aux pieds d'argile, pour rien au monde ils ne laisseraient dévoiler le moindre défaut de leur armure, alors, superbement lâches (là je pense que je me fais une copine en la personne de Sandrine Rousseau) ils fuient les litiges et reculent devant les négociations où ils risquent de perdre la face. Cela, la sage Ginette le savait et sut s'engouffrer dans le boulevard qui lui était ouvert.
Ginette ne se revêtait pas des oripeaux du pouvoir, elle exerçait le pouvoir.
Tendresse et force de caractère, humilité et ferme détermination, tels furent les atouts de Ginette.
Notre mater familias eut cependant, à l'instar de Cendrillon, une bienveillante marraine Parisienne et bijoutière qui soustrayait régulièrement l'enfant à sa campagne pour lui offrir une parenthèse enchantée en la capitale.
Très fière Ginette alla jusqu'à livrer de coûteux bijoux aux clients de la bijouterie ; elle acquit ainsi une certaine expertise comme nous allons le constater plus avant.
L'âge venant, la mémoire de Ginette commença à s'altérer, mais Gilbert veillait sur elle et la maintenait dans le flux de la vie, jusqu'à ce triste jour de 2018 où il la précéda dans la tombe.
Ginette resta seule avec sa petite chienne Volga qu'elle chérissait entourée des dames auxiliaires de vie et visitée régulièrement par ses filles.
Mais arrêtons la narration de sa vie à sa progressive entrée dans la nuit pour rester sur une dernière anecdote savoureuse :
En 2018 nous célébrâmes l'anniversaire de Ginette à la maison qui lui était familière, notre amie tanguait encore entre présences et échappées ; nous avions mis sous sa serviette un petit bracelet composé de pierres du Maroc et elle s'en empara avec un contentement évident, voici le court dialogue qui s'en suivit :
Sloane :
"Oh maman, tu as de la chance, tes amis t'offrent encore des bijoux"
Ginette :
"Oui, c'est très gentil, mais ce n'est pas un vrai bijou, juste une fantaisie".
Quand je vous disais que Ginette était devenue experte en joaillerie...
Le 19 juillet soir, on fêtait mon anniversaire ; à la célébration d'un deuil succédait la célébration d'une étape de vie.
Et c'est bien ainsi.
Je levai ma flûte de champagne au ciel auquel j'adressai un sourire et certainement, Ginette, attentive et aimante, était parmi nous.
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15 février 2023

Charmes des quatre saisons

whatsapp janvier 21 (8)

 

Je ne saurais vivre dans une maison sans histoire.
Il s'établit entre les murs et nous d'incessants dialogues car les maisons qui ont vécu ont une âme.
Telle balafre du papier peint est le contour de la carte d'un continent inconnu et les griffures de cette latte du parquet dessinent un monstre à la cruauté menaçante domestiquée par l’habitude.
Les cicatrices des maisons sont des images fidèles, des compagnes de tous les jours, bien plus vivantes que les visions fugaces et protéiformes que nous dispensent les nuages.
Ce pourquoi je me suis enraciné dans cette grande maison des bois à Charmes en l’Angle.
De cette bulle hors du temps, je viens vous dire les variations tout au long des fuites du Temps.

 

PRINTEMPS

06 mars 10 (17)

Mars, le printemps n'est encore pas là mais l'hiver n'est plus déjà, les premières primevères, écloses une quinzaine de jours après les perce-neiges, confirment le renouveau.
Les premiers jours du mois se rebellent opiniâtrement contre les longues semaines où ondées et brumes ont brouillé les horizons et étouffé tout espoir de douceur, mais soudain, en ce matin inattendu, irisée de rosée et frémissante de lumières tremblantes, la terre secoue ses torpeurs et s'épanouit en sourires de début de monde.
La grande chambre d’angle, calfeutrée tout l’hiver, ouvre enfin ses persiennes sur la scène des cycles nouveaux ; descendu au rez-de-chaussée, je me réjouis du grand coup de langue dont l'astre, qui asseoit désormais son empire, gratifie le petit salon.

Souverain, le disque solaire asseoit son empire, tout lui est soumis ; pas la moindre petite bise ne vient rafraîchir la tiédeur printanière, dépouillés encore, les arbres ont l'air presque incongrus dans leur nudité, encore que quelques légers soupçons de vert flottant disent qu'ils songent enfin à se vêtir.

Libérés, les chiens de la maison, s’élancent bruyamment, mais, freinés dans leur impatience par un rappel à l'ordre, marquent une pause avant de courir vers notre rivière, le Blaiseron, où ils se désaltèreront longuement, obéissants mais pas vraiment soumis..
Présent d'un printemps annoncé, trois lapereaux de velours nous sont venus, ils ne finiront pas, eux, en gibelotte ou à la moutarde, trop petits pour la casserole encore qu'un peu grandets pour des nains. Nous garderons le tendre Honey et ferons la  promotion des autres en tant qu'animaux de compagnie.
Poursuivons notre déambulation sans autre but que de goûter un temps d'abandon aux choses ; un petit retour en arrière a pour but de vérifier dans la serre si les jeunes pousses d'épinards pourront bientôt garnir nos assiettes en savoureuses salades.
Partout au sol, humbles et éclatantes, les fleurs dites sauvages, véritables présents de la nature, ainsi que certaines espèces cultivées, mêlent leurs accords en chants de grâces au temps des bonheurs simples.
Au pied du noyer penché comme un Narcisse sur le miroir de l'eau, la délicate palette des des primevères, violettes et ficaires dessine un tapis à la douce polychromie sur lequel, nul, même elfe, ne s'aviserait à poser le pied.

Le printemps vient toujours avec un certain retard à Charmes, c'est l'est, là où la Champagne avance résolument vers les Vosges, de plus, la maison et le parc sont en creux, lovés dans cette vallée du Blaiseron dont les eaux endiguées donnaient vie aux forges désormais disparues.
Fidèles à leur rendez-vous annuel, convergeant de kilomètres à la ronde, les crapauds s'adonnent à leurs immondes accouplements transformant la pièce d'eau en lupanar. les batraciens s'accouplent à deux ou à plusieurs en de répugnants magmas disant la lutte ancestrale pour perpétuer l'espèce
Frileuses les coroles du tulipier du Japon, commencent  à peine à s'ouvrir alors que partout ailleurs,  franchement  épanouies, elles sourient aux soleils du renouveau.
De l’autre côté de l’étang, les saules pleureurs voilent d’un vert naissant la façade, le coup d’envoi est donné, le printemps s’affirme chaque jour davantage, les frondaisons sourient de toute la tendresse de leurs verts sur un ciel de plus en plus bleu.
Résolument, nous allons vers l’été...

 

ÉTÉ

 

10 juillet 10 (19)

La touffeur s'est enfin emparée de juin au cinquième jour de sa course et c'est sans regret que nous disons adieu à mai, ainsi un soir, le ciel encore mouillé s'empourpre d'un soleil déclinant fardant d'un rose presque irréel la façade de la vieille maison.
Instant de grâce.
Toutes d'élégance discrète, les fragrances si particulières des pivoines s'insinuent dans l'atmosphère du salon et, presque timidement, mais résolument, embaument la vaste pièce s'imposant tout en douceur dans une prise de possession consentie, avant de mourir dans l’abandon fastueux de leurs pétales pourpres.

Tempus fugit, certitude vieille comme le monde, antienne obsédante ancrée dans le dérisoire de nos jours quel que soit notre degré de conscience, quelle que soit la force avec laquelle nous agitons les hochets de nos semblants de certitudes ou de croyances.
Les cycles nous bercent, les échéances nous réveillent.
Une échéance est célébrée dans l'orangerie, devenue vaste salle de réception, en ce dix-neuf juillet, une échéance de plus dans le décompte à rebours qui commence dès le premier vagissement.
La soirée est belle, les sourires amis exaltés par les bulles traditionnelles éclaireront sous le masque de l'allégresse un futur peau de chagrin, un passé qui s'estompe. Nul n'est dupe, nous faisons tous semblant, aidés en cela par la diffuse écharpe d'affection qui nous unit dans un même amour, dans un même sort aussi. Je n’aime plus mes anniversaires.

Midi roi des étés épandu sur la plaine...

Dans la perspective qui commence où finit mon espace, se profile, irréel dans le tremblement de l'air, le clocher de Brachay, le village voisin, qui me remet en mémoire ces vers de Lecomte de Lisle.
Cette saison de lumière vive sera toujours "la mienne", la caresse-morsure de l'astre-roi m'est toujours grand bonheur.
Les langueurs estivales et ses abandons torpides sont mon élément où, loin d'être somnolent, mon esprit se meut dans la plus parfaite aisance.
L'hiver me recroqueville, l'été m'exalte.
Sur l’étang, la barque se fait moins légère, les rames s'empêtrant dans les chevelures virides des vouyvres et autres elfes des eaux.
Les nymphéas, à moins que la voracité des ragondins ne se régale de leurs corolles de porcelaine, enchantent les eaux sillonnées de carpes scintillantes.
Et les heures s'égrènent, les jours glissent inexorablement, des papillons entrent dans la maison, volètent, tombent au sol et, après quelques battements saccadés tels des éventails de geisha, finissent par s'immobiliser, ailes ouvertes, révélant des délicatesses éblouissantes au point d'abolir le drame de la mort.
Vient enfin septembre et ses lumières obliques, les journées sont encore « belles » mais les jours raccourcissent et le soleil est moins ardent, l’été se meurt…

AUTOMNE

02 nov 10 (41)

 

 

Octobre, mois des brumes, des vapeurs rampantes au-dessus des étangs et des cours d'eau, mort programmée des fleurs et agonie des feuillages en marcescences de somptueux Arlequins.
 Mais, soudain, un "été indien"... S'il n'était la rousseur resplendissante de la canopée, le nonchaloir de nos chaises-longues, pas encore remisées, nous enivreraient des abandons lézardiens du plus beau des juillets.
Les bouquets de la maison chantent de toutes leurs fleurs mises en vedette par l'irruption du soleil.
Altières et corsetées, distinguées et inodores, ces femmes du monde que sont les roses de fleuriste dressées à charmer dans la plus parfaite des neutralités décoratives se haussent du col flattées par les premières invasions de la lumière, les hortensias dont la saison avancée a mis un frein à la progression de leurs fards roses s'abandonnent en soupirs fastueux de crinolines chatoyantes ; pendant ce temps les capucines à l'insolente ténuité se gorgent des clartés diffuses qu'elles revoient en dards de feu.

L'orient en ce début de journée filtre ses rayons encore obliques à travers le balancement mouvant du rideau des feuilles du saule qui en oublie de pleurer sous la caresse tiède de la brise.
Cependant la vigne vierge, elle, annonce par le faste de ses rougeoiements l'inéluctabilité de sa mort prochaine.
Sous le bleu anachronique de ce ciel d'automne les menaces paraissent improbables.
Dans l'orangerie, en cette fin de journée, les longues ombres obliques disent la fin d'un état de grâce.
Aujourd'hui, le gris du ciel ocellé du tourbillon désordonné de la valse des feuilles mortes nous redit brutalement la fin du rêve.
Retour à la normale...

Automne, la chasse est ouverte, les forêts autour de la petite vallée du Blaiseron retentissent des vociférations des hommes-fusils, avec en contrepoint,  les aboiements névrotiques de leurs chiens...
 Nous avons du mal à contenir la fougue de nos chiens sollicités par la fièvre contagieuse qui vient troubler la sérénité de la maison au creux des forêts.
Les promenades en forêt, pour plusieurs mois, relèveront d’un parcours de l’extrême.
A cette mort programmée par l'homme prédateur répond la marche vers l'assoupissement de la Nature qui, peu à peu, amène le paysage vers la phase ultime de l'épure graphique du squelette de ses branches dénudées.
La Nature se meurt parée d’éclatantes parures, défi suprême d'une mort inéluctable, marche vers l'anéantissement paré des orfrois, des velours et des satins des robes du dernier bal
Comme un blasphème muet, le monde végétal s'insurge contre les arrêts d'un divin dont la signification lui échappe en s'acheminant avec superbe et détachement vers l'anéantissement ; bien avant que sa tunique ne soit jouée aux dés, les jeux étaient faits.

HIVER

3 01 10 (28)

 

Décembre, la nuit est tombée très tôt. Les arbres immémoriaux, enveloppés d'insondable, se sont repliés sur les secrets dont ils sont dépositaires.
Il faut écouter les arbres, ils peuvent vous dire aussi les temps révolus, les allègres vanités qui ont bâti cette maison de maître des forges pompeusement nommée château, les réceptions qui ont dû faire vibrer l'air de musique et de lumières du temps des splendeurs d'antan, toutes les palettes des émotions heureuses et malheureuses qui ont imbibé ses murs au point de leur avoir donné une âme.
Ne restent que les vieux arbres pour témoigner de tout celà. Me feront'ils aussi une place dans leur mémoire ? M'insérerai-je dans ce continuum ?

Janvier, agapes d’amitié honorées du méticuleux ordonnancement de la table, scintillement de porcelaines et de cristaux, raffinements victimes sacrificielles offertes aux désordres de la fête.
Une nouvelle année s'est installée, encore un de ces jalons du relatif qui se sont instaurés en rites immémoriaux et ont tissé le fil des jours, bon an mal an, de nos enchantements et de nos déceptions, de nos courages et de nos abattements, brodant de noir, de gris ou de couleurs les cycles du Temps, qui, lui, n'en a cure et poursuit, imperturbable, son cours d'indifférence.

Janvier qui débute si suavement et qui soudain se met soudain à mordre et à pincer ; les jours, cependant, timidement s'allongent et les matins, plus précoces filtrent à travers les persiennes en pâles caresses sur les objets familiers.
Pourtant, un matin, les lumières changent plus vite que le temps qu'il ne faut pour les capturer, une symphonie discordante de glace et de sang s'imposait en aube aux lueurs inquiétantes de l'autre côté de l'étang, il est des naissances évocatrices d'enfers ; mais un soleil froid s'empare de la scène, dissipe les tentations de cauchemars et offre aux lieux le calme de son miroir ondulé aux vagues friselis nés du souffle d'une bise coupante.
Quelques minutes plus tard Râ met en scène les bâtiments des dépendances sur fond de croupe encore verglacée, le ciel est d'une pureté implacable comme une lame de rasoir, la voûte étoilée de la nuit passée n'avait pas menti : la journée s'annonce glorieuse.
La bise s'est calmée, on éprouverait presque une sensation d'indécise tiédeur, en franchissant les limites de l'ombre, les arbres se mirent sur la surface liquide redevenue étale et le vieux cyprès chauve en profite pour s'assurer des riches parures d'absinthe offertes par ses mousses.
Hiver de Grand Est froid, très froid, mais souvent le soleil, complice du gel, rit de tous ses éclats glacés.
Les rayons obliques de fin de matinée n'arrivent pas à verdir l'étendue herbeuse mais chantent sur le sol des contrastes de feuilles rousses et d'herbes saupoudrées ; les ombres portées des arbres zèbrent la prairie entre étang et boqueteau et les feuilles mortes des charmes s'ourlent de délicats festons de glace.

L'hiver est encore là, comme l'attestent les branches nues de certains arbres encore parées de gui, mais le renouveau s'annonce, dans l'étang un jeune brochet désenvasé commence déjà ses longues attentes prédatrices.
Insoucieuses du possible retour des rigueurs hivernales, les végétations aquatiques, filles de l'eau et de la lumière tapissent les fonds vaseux de leur imprudente luxuriance, les guirlandes vrillées des chatons de noisetiers ont les grâces tremblantes des ornements de coiffure des maïko de Kyoto et l'émergence des iris d'eau, hésitantes entre hardiesse et précaution nous promettent de prochaines efflorescences d'or.

Du haut de sa tour Sœur Anne, sûrement, peut déjà voir un arbre précoce qui verdoie…

06 février 2023 (4)

15 juin 2022

LES PARFUMS D'HENRIETTE

 

025 - Copie

Henriette

Henriette, ma mère.
Belle elle fut, et séductrice aussi.
Mais séductrice sans ostentation, avec une science très juste de l'expression, de la gestuelle et de l'élégance de bon ton.
Vouée aux bleus marine et blancs, elle ne se permit de couleurs et d'imprimés qu'à l'orée des quatre-vingts ans.
Pour compenser la fraîcheur évanouie ? Peut-être, oui, sûrement. Elle me surprenait encore...

Entre les deux pôles illustrés ici, l'épouse et mère obligatoirement comblée et, comment dire ? (ni vieille, ni âgée, ni même mûre ne lui convenaient) ... disons alors le "rivage ultime", maman usa de trois parfums, du moins ceux qui ont marqué mon souvenir.

Trois parfums qui jalonnent les époques de ses élégances.

Ce sont ces trois senteurs qui, dussé-je vivre cent ans, me resteront en mémoire.
Car il existe, croyez-moi, une mémoire olfactive.
Je vous présente ce triptyque de la parfumerie atemporelle sur le rayon du souvenir.

 

Époque "Jolie madame", souvenirs d'enfance :  Soir de Paris. Bourgeois

soir de Paris

Bel âge que celui de cette petite enfance où même un petit garçon a le droit de pleurer, de minauder en petites moues affectées pour attirer le sourire de sa maman adorée, heureuse époque que celle d'assister au rituel des dernières retouches devant le miroir de la coiffeuse (Henriette appelait d'ailleurs ce meuble une "coquette"), à l'époque point de "compact", mais les merveilleux nuages de poudre fixée sur une base de crème qui donnaient une matité de rose thé au visage, point de fard à paupière jugé "non convenable", pas plus que de rouge à joues "voyant", juste un rouge à lèvres discret.
Suivaient les multiples coups de brosse et passages de peignes pour ordonner les ondulations de la coiffure, et, enfin, enfin, diffusé par le vaporisateur (le "spray" n'avait pas encore envoyé ad patres les diffuseurs, vaporisateurs et autre, brumisateurs) le petit faisceau de fines goutelettes de "Soir de Paris" ; Ah, le cristal bleu nuit et or du flacon, les étoiles c'est moi qui les voyait dans la driapure des goutelles absorbées par le châtain profond de la chevelure...
Qui se rappelle encore cette odeur si "New-Look", poudreuse et profonde aux touches sensuelles de nard ?
Tenez, j'ai à ce propos une anecdote que je crois avoir consigné sur un écrit antérieur : Maman était dejà passée à un autre parfum, "Soir de Paris" démodé par des senteurs plus légères et "dynamiques" avait disparu des parfumeries ; sauf que, un parfumeur du boulevard de Sébastopol, champion dans la redécouverte de jus anciens et dont j'étais un client fidèle, en présenta un jour tout un réassort. Imaginez mon émotion, je payai le flacon un prix stratosphérique et, tremblant d'émotion, le donnais à maman lors d'un séjour familial à Bordeaux.
Henriette, distraite, eut un sourire de politesse diffus et gentil et reposa l'objet sur la table avec un "oh ! c'est amusant mon fils, je croyais que ça n'existait plus". Jugez de ma déconvenue.

Époque de moi adulte : Vivre. Molyneux

molyneux-vivre

Il me fallut un jour, apprendre à vivre sans ma mère, la séparation commença en douceur, mes parents habitaient alors à Oloron-Sainte-Marie et j'étudiais à Bordeaux, puis partis six ans au Maroc pour m'installer enfin à Paris, lorsque je rentrai en France.
J'avais une amie, Laura, mannequin chez Molyneux qui me convertit au militantisme du parfum de la maison, "Vivre", ainsi nommé car censé "réveiller" la vieille institution qui n'avait pas su prendre le virage de la diffusion en série (en vain d'ailleurs). J'en offris donc un flacon à maman lors d'un séjour de vacances en famille et Henriette l'adopta ; je pris donc l'habitude de lui en apporter un à chacune de mes visites ; cependant, des trois parfums qui font l'objet de ce billet c'est sûrement celui qui m'a le moins marqué, nous ne nous vivions plus qu'en pointillé.

Le dernier parfum : First. Van Cleef & Arpels

 

15 juin 2022

Drôle de photographie, n'est-ce pas ?
Je vous explique, définitivement fixé à Paris, je venais deux à trois fois l'an chez mes parents pour les fêtes carillonnées ou familiales.
Un "chez mes parents", devenu avec le temps "chez maman", mon père nous ayant faussé compagnie à l'aube de ses soixante ans.
Ah Henriette, ce fut notre tour, à nous tes enfants, de s'occuper de toi, ton imprévoyance et ton mépris de l'argent exacerbé par une inextinguible soif de paraître, mirent à mal tes faibles moyens au profit d'une garde-robe toujours en excellente santé (et j'interdis à qui que ce soit de me faire la remarque que les chiens ne font pas de chats, compris ?).
Bref, nous étions obligés de t'aider dans le pratique puisque du superflu tu savais si bien t'occuper.
Te faire un cadeau pour les étrennes ou ton anniversaire était un casse-tête, les carrés Hermès ne te plaisaient plus, je risquai bien une robe mais les manches montées et structurées te déplurent, alors j'entrai dans une parfumerie et une vendeuse avisée me recommanda "First" de Van Cleef ; je me laissai convaincre malgré l'américanisme du nom. Tu n'aimas pas, Henriette, tu adoras. Et à chaque anniversaire, à chaque séjour de Noël, je n'eus plus à me préoccuper de la nature de ton cadeau, ce fut ce parfum.
Jusqu'à la fin.

Quand Henriette mourut, je trouvai son dernier flacon de "First" entamé, je le gardai comme une relique, il y a de cela onze ans, peu à peu le contenu s'évapore malgré l'étanchéité de la fermeture.
Les essences sont volatiles comme le temps.

Il y a de cela quelques jours, je trouvai chez un brocanteur de Joinville un présentoir de parfumerie dédié "First" de van Cleef ; j'ai pu enfin donner au dernier flacon l'autel de la mémoire qui lui convenait, c'est désuet et tendrement kitsch, c'est aussi évocateur de la dernière période d'un "luxe discret de la bourgeoisie" avant que les tapages racoleurs ne hurlent dans les vitrines.
Les essences du dernier flacon de parfum d'Henriette peuvent s'évanouir le temps qu'il leur plaira, je peux le mesurer en levant les yeux sur sa fin en gloire. Jusqu'à...

23 mars 2022

Claudine Loréna

Il est des inconnus qui, un jour, hasard ou co-incidence, viennent à votre rencontre et inopinément, vous offrent un pan de leur vie passée, comme si en vous faisant dépositaires de ce vestige de vie, ils vous exhortaient avec douceur à leur redonner un peu de lumière.
En ce jour du 12 mars 2022, à Bordeaux, allées de Tourny, sous le soleil éclatant d'un printemps annoncé, des antiquaires proposaient en une double rangée, les souvenirs épars des maisons d'autrefois ; n'ayant jamais résisté à l'appel de ces témoins éloquemment muets, mon regard flâneur avise soudain un carnet format paysage aux couverts de toile bise portant mention sur le coin supérieur de droite d'un nom calligraphié avec cette précision appliquée des écritures d'antan : Cl. Loréna.
Le revers de la couverture m'apportait une précision supplémentaire quant aux lieux habités par le propriétaire de l'objet :
Cl. Loréna 10 avenue du Père Lachaise Paris XXe
48 ru du Bastion 48 Les Sables d'Olonne Vendée.

Claudine Loréna (1)

La première page cernait de plus près la personne, m'informant sur son sexe et l'usage du carnet :
"Croquis. Claudine Loréna".

Claudine Loréna (2)Fébrilement je parcours les pages et découvre avec émotion une succession de figures observées et fixées d'un trait de crayon plus ou moins habile, mais avec grande justesse.

Claudine Loréna (12)Certaines pochades sont exécutées hâtivement et de manière quelque peu conventionnelle, comme lorsqu'il s'agit de dessiner l'inévitable voilier des ports de plaisance ; d'autres témoignent d'un sens de l'observation suffisamment exercé pour transposer sur le papier les silhouettes des personnages du bord de mer comme ce jeune homme en tenue estivale ou cette jolie coquette à la robe relevée, assise à même le sable et faisant, miroir de poche en main, à un raccord de son maquillage.Claudine Loréna (8)

On découvre aussi à plusieurs reprises le contour d'une tête de chien à peine esquissée mais témoignant d'une présence assidue de l'animal auprès de la dessinatrice.

Claudine Loréna (6)

Claudine Loréna (4)D'autres croquis aquarellés sont exécutés avec plus de soin et le souci du "fini", ils sont même rehaussés de crayons de couleur ; une jeune femme coiffée "à la garçonne" offre son dos au soleil et une très jeune fille chapeautée s'adonne à des travaux d'aiguille.Les maillots de bain, d'une seule pièce nous semblent pudiques à souhait, ils étaient pourtant à l'époque d'une audace passablement transgressive.
La date, 1933, correspond aux moeurs d'une époque, celle de l'entre-deux guerres, où une bourgeoisie avide de liberté s'affranchissait des pudeurs d'un autre âge et s'exposait sur les très "chics" bords de plage avant que le front populaire n'établit les très démocratiques congés payés en 1936.
J'aime particulièrement cette autre page où une dame élégante (la maman ?) en capeline et robe typique des années 30, s'avance sur la plage,les pieds nus, son petit chien sous son bras, son statut de dame respectable lui interdit le port du maillot, mais tout est permis à la jeunesse qui, en toute liberté, peut arborer une tenue de villégiature plus "confortable".
La jeune personne d'entre deux époques (la fille ?), est donc (dé)vêtue comme l'exigent les nouvelles moeurs, mais protégée du soleil par un chapeau, le teint hâlé faisant "commun", et s'adonne aux très respectables travaux d'aiguille.

Claudine Loréna (5)

Suivent d'autres pages surtout consacrées aux portraits, je ne vous en proposerai que quelques-unes parmi les plus évocatrices comme cette enfant vêtue d'un sage sarrau, occupée avec concentration à faire des bulles de savon.

 

Claudine Loréna (7)

 

 

 

 

 Et voici que le toutou entrevu à plusieurs reprises dans les pages précédentes refait son apparition, mais cette fois au repos sur son coussin ; nous ne savons toujours pas son nom, mais en revanche le titre "mon chien" confirme bien le lien qui l'unit à son artiste en herbe de maîtresse.

Claudine Loréna (9)

 

 

 

 

 

Et puis, ce retour à la plage où, assis sur le rebord d'une chaise-longue, un homme contemple l'horizon. Voit-il venir, dans cette fragile quiétude, les temps à venir qui seront terribles ?

Claudine Loréna (11)

 

 

 

 

 

 

 

De Claudine je ne saurais jamais plus rien, à moins que...
La Toile est muette, mais dans un croquis du séjour de vacances vendéennes, une cabine de plage, emblématique des refuges de la bourgeoisie d'avant guerre contre le vent, le soleil trop piquant et les regards indiscrets, nous en dit un peu plus sur le statut social de la jeune fille.
Touchante dans sa simplicité et sa rapidité d'exécution, une frimousse bouclée et juvénile nous regarde frontalement ; je me plais à y voir l'autoportrait de la "jeune fille bien" qui croquait aussi aimablement la vie.

Claudine Loréna (3)

 Merci, Claudine, d'être venue jusqu'à moi ; ton carnet n'est pas perdu, je te promets d'assurer par intérim la continuité de sa vie que je souhaite longue, et j'espère que de là où tu es tu m'adresses, avec un regard complice, un joli sourire que j'imagine mi-sérieux mi-malicieux.

 

3 février 2022

Généalogies, de Coulommiers au Rocher.

Voici Dame Marie-Louise Charlotte Gabrielle dite Caroline Gibert de Lametz, née en 1793, (quasiment trois mois avant la fin tragique de la Reine de France) et qui finit paisiblement ses jours à l'âge de quatre-vingt-six ans en 1879.
Vous pourrez toujours arguer que le portrait de cette dame dont la beauté n'était pas la qualité cardinale ne vous inspire aucune curiosité, eh bien vous auriez tort, car son destin fut fort singulier.
Votre curiosité est piquée ? Et bien voilà...

CAROLINE GIBERT PRINCESSE DE MONACO

Marie-Louise, vint au monde dans une puissante famille de Coulommiers, les Gibert, riches laboureurs receveurs du Pays de France et du Multien qui grâce à sa fortune acquit au cours des siècles fiefs et charges annoblissantes pour les rejetons mâles.
Et les filles, me direz-vous ? Eh bien, grâce à une politique de mariages menée de main de maître, les Gibert s'allièrent à toutes les grandes familles de France.
Marie-Louise, décida de se prénommer Caroline et accola à son patronyme le joli nom de Lametz, car ainsi se nommait le château du troisième mari de sa mère.
La caravelle Caroline Gibert de Lametz était fin prête à être lancée.
Il y avait des antécédents, le demi-frère de Caroline, Louis-Pierre Musnier de Mauroy avait épousé, en 1814, Amélie d'Aumont, fille illégitime de la Princesse Louise de Monaco, or ladite Princesse avait elle aussi un demi-frère membre de la famille régnante de Monaco : Florestan de Grimaldi. C'est lors des fêtes nuptiales au château de Lametz que  Florestan et l'aimable jeune brune aux traits disons... affirmés succombèrent à cette maladie d'amour de laquelle ils ne guériraient jamais.
La famille de Monaco ne se montra pas réellement enchantée de cette idylle, mais, somme toute, Florestan, simple cadet n'étant pas destiné à régner, on passa outre et l'heureux mariage fut célébré le 27 novembre 1816.

Notre Mademoiselle Gibert allait à grands pas, sans en avoir vraiment conscience, vers un destin exceptionnel.

Caroline était elle ambitieuse ? rien ne permet de l'affirmer, mais ce qui est certain c'est qu'une cohorte de fées bienveillantes s'étaient penchées sur son berceau lors de sa naissance : le Prince régnant du fabuleux rocher trépassa sans descendance.

Et hop ! Florestan accède au trône avec à ses côtés sa Princesse ce qui justifie le pompeux portrait en majesté  présenté en incipit.

Or, il se trouvait que Florestan, déjà lourdement endetté, héritait d'une principauté au bord de la faillite, peu doué en matière de gestion et certainement peu soucieux des ennuyeuses tâches administratives, il se déchargea de toutes ces choses ennuyeuses sur sa chère épouse.

Chose incroyable, la Princesse Caroline se révéla être une gestionnaire hors pair ; après toute une série de procès intentés et gagnés et faisant main basse sur la dot de sa belle-fille, la Princesse Antoinette de Mérode qui avait épousé Charles, son fils appelé à régner sous le nom de Charles III, la nouvelle Princesse, était particulièrement clairvoyante pour ne pas dire visionnaire, consciente de la pénurie en richesses naturelles de son minuscule royaume, informée de l'essor futur du tourisme des côtes méditerranéennes, la Riviéra, pour une clientèle fortunée internationale, elle fit le pari de promouvoir Monaco dans cette voie et en créa le casino, une véritable manne qui ne s'est jamais démentie ; bien avant sa mort survenue à l'âge de 86 ans, le 23 novembre1879, la Principauté prospère était la plaque tournante et mondiale des rendez-vous mondains des fortunés.

Les descendants de Caroline et Florestan règnent toujours sur le coffre-fort et les palmiers, il paraîtrait aussi qu'ils ont perpétué le goût des procès qui rapportent gros ; mais ne soyons pas médisants, il se dit tellement de choses...

Cependant, me direz-vous, que nous vaut ce titre de "généalogie" annoncée ? Et bien, figurez-vous, qu'un des éminents habitants de cette bulle hors du temps qu'est le village de Charmes en l'Angle aux confins de la Champagne, n'est autre que le maire de la localité, un certain Charles Dubois, il descend en ligne directe aussi, tout comme l'ineffable Caroline, de Guillaume Gibert (1540-1587).
Rassurez-vous, il n'est pas encore la proie de la presse à ragots.

Pour vivre heureux, vivons cachés.

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20 octobre 2021

Jeannine, ma tante

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Jeannine est arrivée dans notre vie lorsque j’étais encore enfant.
Nous habitions alors Oloron-Sainte-Marie, ville si peu connue du Béarn malgré, pourtant, un si long passé historique.
Nous habitions alors à la marge de la cité, une vaste maison entourée d’un parc, mes sœurs et moi étions les « petits du château ».
Mais lesdits « petits du château »  tissaient des jours merveilleux de par la seule fertilité de leur imagination ; en cette demeure, dont je garde pourtant une mélancolie inextinguible, il ne « se passait jamais rien », n’étaient nos jeux, nos cabanes, une maman invisible dont j’étais le porte-voix et tant d’autres inventions pour oublier nos  solitudes ; les jours se succédaient les uns identiques autres.
Le propre des paradis est de ne les  reconnaître comme tels que lorsqu’ils ont fui…

Oloron était une ville bourgeoise cadenassée par les codes sociaux d’une époque qui ne remettait rien en question.

Et puis, Jeannine fit irruption dans notre vie telle une fée des temps modernes, lumineuse, les boucles platine et sophistiquées de sa permanente encadrant son ravissant visage aux lèvres carmin illuminé par la malice de ses yeux bleus ourlés de longs cils en éventail savamment allongés par la grâce du mascara.
Jeannine venait d’épouser Roger, mon oncle, le jeune frère d’Henriette, ma mère, fringant et magnifique officier de l’armée de l’Air, expert dans l’art de la séduction ; il est aisé de comprendre que Jeannine, après tant d’autres ait succombé au prestige de l’uniforme et à celui qui arborait avec superbe ses galons.
Ils se marièrent et eurent trois enfants…

Jeannine affola ce coin de la province béarnaise… Et moi, aux rêves plus grands que ce monde qui me semblait alors tellement étriqué, fus tout de suite son allié, car allié est le mot, la gent collet-monté, dont ma grand-mère qui voyait d’un œil soupçonneux cette « vamp » si Parisienne qui lui avait « volé son fils », était scandalisée par cette liberté d’allure, ces robes légères de couleurs claires, ce sourire engageant distribué à la ronde y compris aux hommes, rendez-vous compte, et qui plus est, oui, fumait. Pour moi, ses mégots au filtre couronné de rouge à lèvres étaient l’ouverture sur un monde magique tellement éloigné des élégances « convenables » des dames comme il faut d’Oloron.

Jeannine, ma nouvelle tante, tissa des liens de fraternité avec maman ; toutes deux, loin de la férule de Marie, leur mère et belle-mère, riaient comme deux pensionnaires et devinrent vite complices ; maman entre fascination et méfiance, porta des clips d’oreille au lieu des sacro-saintes  dormeuses de bon ton, elle hésita à hausser la hauteur de ses talons et, sans atteindre les dix centimètres, alla jusqu’au « 6-7 » pour ses escarpins. Il y eut même quelques affrontements, devait-on nouer un carré Hermès en laissant la griffe visible ou non ? Jeannine renouait ceux d’Henriette de façon à ce que « l’on voie que c’est du Hermès » et maman, dès que sa belle sœur avait le dos tourné s’empressait de masquer le sigle. De même pour le fard à paupières, maman essaya une légère ombre bleue, mais l’expérience ne dura pas plus d’un après-midi ; en revanche, jamais au grand jamais, elle ne voulut donner à ses ongles le long ovale sanglant qu’affectionnait sa nouvelle amie.
Mais elles étaient inséparables et je ne suis pas sûr que leurs langues ne se soient pas laissé aller à quelques assassinats chuchotés au creux de l’oreille.
Et puis Jeannine nous fit connaître toute une gamme de produits exotiques qu’ignorait notre lointaine province d’alors, par exemple le whisky qu’elle consommait en « long drink » et aux charmes duquel je succombais quelques années plus tard, mais sans l’additionner d’eau gazeuse, bien entendu ; et aussi, entre autres, la moutarde et les pilchards.

Passent les années, Jeannine, savait modeler son corps aux exigences des temps, ses robes du soir qui dénudaient ses épaules rondes de femme pulpeuse à la taille étranglée s’assagirent en lignes droites « princesse » caressant une silhouette plus longiligne en même temps que ses ondulations permanentées cédèrent la place à des chignons savamment arrangés.  
Bien plus tard ma tante opta pour un chignon qui n’appartenait qu’à elle posé fièrement comme  une coiffe bigoudène sur le sommet du crâne. Figurez-vous que lors des obsèques d’Henriette, Angel, mon petit neveu, lui demanda, en touchant de l’index le creux du chignon, où étaient les petits oiseaux.
Mais n’anticipons pas, de longues années restaient à vivre, avec des éloignements et des retours, des heurts et des bonheurs, mais toujours les cœurs à l’unisson.
Jeannine perdit prématurément ses deux aînés Françoise et Jean-François « Baby », elle et Roger s’installèrent définitivement dans un petit village près d’Oloron près de leur dernier, Hervé « Picou ». Le sourire de Jeannine perdit son éclat conquérant et, comme son regard, devint extrêmement doux et comme flottant.
Roger et Jeannine devinrent inséparables d’Henriette et de son compagnon Paul, ils vécurent les quatre une ère d’heureuse complicité.

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Jeannine et Roger venaient régulièrement à Charmes et même à Marrakech ;  ma tante toujours égale à elle-même arrivait, impeccable, le matin au petit déjeuner comme pour une visite, et, à Marrakech, elle partait seule courir les souks en tailleur rouge et chemisier au col lavallière savamment noué et chaussée d’élégants trotteurs, tout le monde l’avait adoptée et l’aimait, elle revenait à la maison prodigue d’anecdotes sur l’exquise amabilité du peuple Marocain.

Le 9 de ce mois d’octobre, Hervé par un SMS de la nuit me disait que « la blonde au chignon » s’en était allée ;  plus tard au téléphone nos voix tremblaient, le monde n’était plus le même.
Jusqu’à ce jour où je vous livre ces mauvaises lignes j’étais incapable de dire publiquement « à-Dieu » à Jeannine.

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8 septembre 2021

L'homme du pays du fer

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Jean-Luc est un voisin et nonobstant ami, au gré de ses humeurs capricantes, l'ami l'emporte sur le voisin souvent,  mais il arrive aussi que le voisin se retranche en son repaire, une surprenante maison de pierres et de briques sur les hauteurs boisées qui dominent Charmes sur la rive droite du Blaiseron.
A quoi peut-il donc consacrer son temps ?

Avant de vous dévoiler le pourquoi des éclipses de notre homme, je vais tenter de vous dépeindre sommairement le personnage et ce n'est pas, croyez-moi, une tâche facile, tant le personnage est insaisissable, imprévu et, disons le mot, complexe...
Jean-Luc cultive un dehors d'homme des bois, rugueux comme une écorce de vieux chêne mais une tendre malice danse à fleur de ses yeux bleus, si bleus...
L'homme peut être bourru comme un saint Gérôme que l'on viendrait distraire de ses grimoires, mais peut aussi se montrer facétieux et pétillant de malice tendre ou persifleuse selon son humeur du moment.
Il peut vous enchanter un dîner, monopolisant l'attention par ses saillies plus spirituelles les unes que les autres, mais il est aussi capable de, soudain, quitter la table se souciant comme d'une guigne de la recomposition du "plan de table"qui s'en suivra.

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Jean-Luc exerce un métier dur, très dur, sa petite entreprise est spécialisée dans le démontage des ascenseurs vétustes, des pianos de cuisine à bout de souffle des restaurants, et de tous les artefacts en fer ou en fonte qui requièrent une force herculéenne pour en venir à bout. Car oui, je ne l'ai encore pas dit, notre homme est doté d'une musculature qui est tout sauf du "chiqué". 

On ne passe pas sa vie au contact du fer sans nouer avec lui des liens particuliers, et il n'est pas rare que les Vulcain aient à coeur de faire passer une part de leur âme dans ce métal qui a donné son nom à la période où la préhistoire s'échouait sur les rives de la protohistoire ; gardons en mémoire, au demeurant, que la maison de Charmes en l'Angle elle-même fut la demeure d'un des nombreux maîtres de forges de cette région produisant le fer depuis la nuit des temps.
De par ses origines géographiques et son métier, Jean-Luc ne pouvait donc échapper en aucun cas à l'emprise du fer, depuis des lustres il entasse dans sa "ferme sidérurgique" tout objet métallique qu'une quête constante, où le hasard joue aussi certainement son rôle, dans un hallucinant fatras.

Donc, de l'imagination de notre Héphaïstos ainsi que de sa sueur sont nés, assourdissement du marteau et gerbes d'étincelles de soudure aidant, les figures qui le hantaient dans une gestation dont lui seul connaît le secret.
Fidèle à une promesse lointaine que lui seul n'avait pas oubliée, Jean-Luc nous propose son oeuvre dans son local Joinvillois, la "Galerie de la tour".
Je vous invite à la découverte.
En en-tête de cette page vous avez déjà un aperçu sur la dimension fantastique de certaines figurations de notre sculpteur, un squelette rieur se tient à une table comme réfléchissant aux mots qu'il pourrait bien coucher sur le "livre d'or" ; l'oeuvre survivra donc à son créateur.
A côté, fait de torsions de fer et d'objets de récupération, dans une figuration fantastique et surréélle où les vides comptent au moins autant que le solide, un Zorro invisible (je sais la place que prend le héros masqué dans la mythologie de Jean-Luc) engage la lutte contre une momie preneuse de vies... les mythes triomphent de la mort.

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Cette oeuvre aurait pu s'intituler "Le Cyclope", mais notre artiste revendique la source de son inspiration, ou plus exactement son inspirateur que, bien entendu il ne nomme que de façon cryptée par le titre de l'oeuvre :  "OSSICAP", cherchez l'anagramme...
OSSICAP, avez-vous rétabli l'ordre "normal" des lettres, cher lecteur ?
Non ?
Vous n'êtes "même pas cap" ; en tout cas, notre facétieux sculpteur se targue d'être "aussi cap" que l'universellement célébre anagrammé et, sachant sa grande pudeur dans l'expression de ses émotions, je sais aussi lire, sous l'apparente irrévérence, l'admiration qi'il nourrit pour le grand Picasso...

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Il ne sera pas question, ici, de faire un catalogue raisonné des oeuvres de l'artiste, je me contenteraid'illustrer mes propos par ces quelques morceaux choisis qui me semblent illustrer, non seulement  les diverses facettes  du talent de Jean-Luc , mais encore le monde sensible et révélateur qui habite son imaginaire.
Ici, le tendre souvenir de Margotte, la vénérable chèvre que je connus gambadant dans la prairie de sa demeure des hauts de Charmes. Et puis l'homme-villebrequin qui dit certainement un peu de son "père" et de sa passion à percer et transformer le métal pour en forger un langage bien personnel.              

 

04 septembre 2021 (16)Et pour finir, voyez comme la joyeuse danse de Matisse, passée à l'alambic du feu et de la masse nous redit en quatre dimensions l'universelle beauté des corps en accord.

Joinville en Vallage est une vieille cité, autrefois capitale des Guise, qui se réveille après un long endormissement, Jean-luc est de ceux qui s'emploient à cette noble tâche.

Si d'aventure vos pas vous conduisaient jusqu'ici, il est une galerie, rue de la Fontaine...

5 août 2021

Passage aux petits-points

Passe le temps.
De la rive d'un âge à celle de l'autre, le passage des années d'impatiente jeunesse glissent au cours des échéances, lorsque le sablier s'inverse,  vers la nostalgie des retours en arrière.
Absent de Charmes lors de ce dernier 19 juillet, j'eus la surprise à mon retour de découvrir le présent laissé là, dans l'attente de mon retour, par l'amitié de ce couple si cher et dont la justesse du choix me dit tant le bonheur de leur précieuse affection.
Qu'ils soient ici remerciés.
Ornant désormais les murs du salon qui nous réunit régulièrement, ces deux adorables médaillons brodés au petit-point ont adouci ce récent passage entre deux âges.
Comme rien ne vaut le plaisir du partage, je vous invite, chers lecteurs, tout en admirant la délicatesse des deux petites oeuvres d'art, à me suivre dans le dialogue qui s'est instauré entre elles et moi,  à écouter leurs messages et à vous poser aussi les questions qui s'imposent à qui leur prête attention.


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Ces deux ovales figurent des scènes représentées au moyen de techniques diverses : sur un support de soie tendue, sont peints à la gouache certainement, les paysages qui servent de fond aux sujets.
Les visages et les bras sont peints sur papier découpé et collé sur le fond ainsi que certaines pièces de tissu, telle la ceinture de ruban ceignant la robe de la fillette et le retroussis de ses manches.
Les robes et les monuments funéraires sont brodés au point dit passé empiétant, pour autant que mon "expertise" me le permette ; j'ajouterai à ce sujet que le nom de ce point m'a toujours enchanté, surtout lorsque l'objet nous restitue le parfum des temps disparus.
Les arbres et la végétation, que les experts veuillent bien m'absoudre de mes lacunes, la broderie n'étant pas mon violon d'Ingres, me semblent traités en un point aux reliefs plus vigoureux dit "bouclette".
De ces deux saynètes émane une ineffable atmosphère de douce et champêtre nostalgie illustrant ce pré-romantisme mis au goût du jour à la fin du dix-huitième siècle, cependant, ici, point de de pittoresques villages où même la lèpre des murs est enchanteresse, point de paysages bucoliques aux horizons vaporeux où des bergères alanguies aux élégances de duchesse se laissent taquiner l'oreille par le son aigrelet des flûtiaux équivoque de charmants bergers bouclés comme des Ganymèdes, laissant au chien assoupi la garde de placides moutons coton-soyeux.
Le siècle s'éloigne et touche même à sa fin...
Attardons nous sur les toilettes de celles que nous supposons être la maman et la fillette ; la "robe chemise" au devant du corsage "en rideau" de la dame à l'échancrure du décolleté modestement voilé d'un léger fichu nous ramènerait, n'était la taille placée bien haut, aux derniers portraits de la fin du règne de louis XVI, ; quant à la robe également "en chemise" de l'enfant, taillée dans un léger tissu délicatement fleuri et lâchement resserée à la taille par une ceinture aux pans flottants, elle nous ramène directement aux portraits des ci-devant nymphes du Petit-Trianon.
Les cheveux, libres de poudre tombent naturellement sur les épaules.
Sous la langueur tombante du saule pleureur, les deux jolies personnes, l'air grave, honorent, sur un cénotaphe sommé d'une corbeille fleurie, la mémoire d'un être cher ; il est permis de penser que l'hommage va au père et à l'époux disparu, peut-être suite à un naufrage comme pourrait le laisser penser la scène maritime (ou lacustre)  évoquée en arrière plan pour autant qu'elle soit symbolique.

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Le temps est passé, inexorable et cruel, deux urnes funéraires reposent sur le monument funéraire enguirlandées du lierre de l'attachement, on notera qu'entre temps, d'une scène l'autre, le cippe est devenu autel ; la fillette n'est plus qui a été fauchée par une mort précoce laissant la mère, la veuve, seule, en proie à un chagrin sans fond.
Le visage fermé à toute diversion reste dignement concentré sur son malheur sans qu'un pathos grimaçant ne défigure son visage éploré,  un vaste mouchoir de fine batiste éponge les larmes impossibles à réprimer.
Le paysage, lui-même est occulté par un rideau de peupliers transformant les alentours riants en camposanto.
Autre marque de la fuite du temps, le petit chien à la robe unie précédemment a laissé la place à un nouveau fidèle tacheté.
La coiffure "à l'antique" aux longues boucles en vogue dès 1794-95 permet de dater approximativement la scène, c'est aussi l'époque où la taille remonte sous la poitrine dans une affirmation de plus en plus résolue aux critères de l'Antiquité, et celà jusqu'en 1822 où, progressivement la taille reprendra sa place normale.
La robe de deuil est, elle, un grand classique de la mode romantique anglaise, la "mourning dress" ; les personnages sont'ils des sujets de Sa Gracieuse Majesté ? Les objets voyagent tant et les modes aussi...
A la difficulté de la localisation, s'ajoute celle de la datation, les vêtements encore empreints de l'esprit XVIIIe siècle, surtout sur le premier tableau, annoncent le Consulat et l'Empire, ce pourquoi je serai tenté de situer ces charmants sujets à l'époque du Directoire circa 1795, mais c'est sans compter sur les "glissements" de la mode, les conservateurs faisant perdurer les anciennes mises tandis que les plus audacieux anticipent sur la nouveauté.

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Je vous propose ces quelques détails illustrant notre petite analyse, reste un point non résolu, je ne sais pas identifier l'objet que la fillette tend à sa maman, si c'est une fleur l'espèce me paraît bien étrange...

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Ce détail agrandi pour illustrer les deux points de broderie, passé empiétant et bouclette

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 Et en appendice :

Quelques exemples de robes datées de 1795, à noter que la taille est brusquement remontée en 1794, du moins pour les "Merveilleuses" à la pointe du nouveau ton.

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22 février 2021

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Jean-François Leroux, ce lointain cousin si proche du coeur, s'en est allé aujourd'hui, sereinement, chez lui, dans les bras de sa femme, notre chère Marie-Ange.
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Ils s 'aimaient depuis toujours, depuis leur plus tendre enfance et leur union scella l'alliance de deux familles.


Désormais, marie-ange devra apprendre à vivre sans lui...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-François, homme d'immense culture avait la passion des abbayes cisterciennes, il était intarissable et passionnant ; ses publications, à son image, érudites et sans pédanterie aucune, restent un vibrant hommage à ce Patrimoine qu'il aimait tant.
Car Jean-François, le passeur, aimait et aimait aimer. 

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Jean-François, ancien maire de Bar sur Aube qui lui doit tant, se consacra passionnément à l'abbaye de Clairvaux lorsque la vénérable institution fondée par saint Bernard et devenue prison centrale après la révolution, cédait la partie patrimoniale de son ensemble monumental au monde de la Culture tandis que les détenus étaient transférés dans de nouveaux bâtiments plus "confortables".
Sous la double tutelle des ministères de la Culture et de la Justice ainsi que de l'administration éclairée de Jean-François, s'ouvrait une nouvelle ère pour Clairvaux : celle de sa renaissance.
Ainsi naquit le fameux festival de musique de Clairvaux, dont il était inenvisageable, chaque année lors du dernier week-end de septembre, de manquer ne serait-ce qu'une manifestation.
Restaurées dans les règles de l'art, les salles médiévales comme le dortoir des converts ou du XVIIIe siècle comme le réfectoire des moines, résonnent à chaque début d'automne, de musiques diverses  où, professionnels confirmés et jeunes talents, alternent leurs prestations, laissant parfois l'espace d'un temps poignant éclater les paroles de détenus mises en musique par Philippe Hersent.

Jean-François, passionné d'histoire jusqu'au respect de tous ses aléas, de toutes ses tribulations, ne voulait pas d'une "aseptisation" des lieux par la négation de ce qui apparaît pour beaucoup comme une déchéance, il tenait à la mémoire exacte de ce double enfermement, celui volontaire des moines, et celui involontaire des prisonniers, cette permanence dans l'impermanence faisant partie pour lui de l'essence même de l'Histoire dans la mouvance de ses vérités, sans nostalgie déplacée pas plus que d'idéologie réductrice.
Au nom de cette philosophie de l'Histoire, Jean-François déplorait le transfert programmé des détenus vers une "prison-modèle" de Troyes laissant tout l'immense espace à la disposition du monde de la culture ; cependant, toujours énergique et réaliste, il s'activait déja dans l'élaboration de nouveaux projets d'avenir pour son cher Clairvaux.
Le sort en a voulu autrement... Qu'adviendra t'il de l'abbaye de saint Bernard ?
Gageons que de "là-bas", Jean-François continuera à veiller sur l'oeuvre de sa vie.
Et qu'il en soit ainsi...

Pour nous, pour le temps qui nous est imparti et selon nos moyens, et quel que soit le devenir de l'abbaye, nous nous emploierons à continuer à faire vivre ce lieu qui nous est devenu si cher ; le vide, le seul vide, Jean-François, sera ton absence.

 

21 décembre 2020

Un matin... Comme un autre matin

17 décembre 2020 (6)

Etait-ce hier ? Avant-Hier ?
Je ne sais plus... mais aucune importance, ça aurait pu être aussi bien avant avant-hier, ou aujourd'hui, et vraisemblablement il en sera ainsi demain.
Et après-demain.
Matins pas si calmes que cela dans la grande maison ; oui, je sais, on m'imagine volontiers détendu au creux d'un confortable fauteuil sirotant un thé, ou bien, discourant dans un salon, affable et attentif, la tenue soignée et la mèche domestiquée, flûte à bulles ou gobelet de whisky en main ; et vous n'avez pas tort, compte tenu des images si complaisamment diffusées sur la Toile par mes soins.
Mais, rideau baissé, la vanité n'est plus de mise et, s'il vous agrée cher lecteur de me suivre, je vous invite à vous pencher un instant sur l'envers du décor.

Levé généralement tôt la journée m'appartient, j'ai en tête l'écrit ou le dessin que j'ai bercé la nuit entre deux plongées en sommeil, et je devrais avoir tout mon temps compte tenu d'une vie sociale réduite à minima en cette drôle d'année 2020.
En fait, il faut savoir qu'avant de m'appartenir, j'appartiens à une maison exigeante quant à son train et aussi tant fertile en tâches ménagères ou autres.
Je vous passerai les détails tels que faire son lit, préparer la pitance des chiens pas vraiment fanatiques de croquettes, et puis mitonner la cuisine des humains ; il ne saurait être question de manger du "tout prêt" à la va-vite. Bref, en un mot comme en cent, soyez assuré que les temps consacrés à l'épluchage des pommes de terre ou à la confection d'une sauce, vêtu d'une robe de chambre antédiluvienne et le cheveu en bataille, l'emportent amplement sur ceux alloués aux prestations salonnières ou, hélas et encore, à ceux livrés à une activité créatrice (Somme toute, il se pourrait fort bien qu'un certain penchant à la procrastination soit aussi pour quelque chose dans cette incurie, mais de celà, n'en parlons pas)
Bien heureusement, les impératifs d'une maison que l'on s'obstine à vouloir "bien tenue" ont eux aussi une fin, et, c'est donc propre comme un sou neuf (le sou, pas le bonhomme entendons-nous bien) que je peux enfin répondre à la tendresse de mes trois compagnons à poils avides de calins.
Le moment est suave, suspendu au tic tac hypnotique de l'horloge quand, soudain, de la pièce voisine me parvient une voix, bien timbrée, langoureuse et terriblement désuète. Une de ces voix du temps des chanteuses et chanteurs "de charme"
"Un garçon s'est noyé pour une ombre..."

Si vous n'êtes pas encore centenaire, vous l'avez reconnue cet organe : Oui, il s'agit bien de Gloria Lasso, ce monument de trilles et de vocalises qu'aimait tant Henriette, ma mère ;  ce disque provient d'ailleurs du fonds "hérité" d'elle mais jamais écouté à ce jour de peur de réveiller les démons douloureux des départs sans retour.

Gloria Lasso

Combien avons-nous raillé maman pour ses goûts musicaux !
Gloria Lasso et Luis Mariano.
Et Tino Rossi, ce "Toni Sirop"  que nous persifflions pour la faire enrager...
Maman ne se fâchait pas, elle crânait en fredonnant d'un petit air mutin et entendu, tout en battant la mesure de sa tête, le ridicule "tci tchi tchi"de la "Catarineta bella" ou alors le pathétique "Bon voyâââge et ne reviens jamais" en levant aux cieux les multiples flous smaragdins de ses yeux dont elle jouait avec une parfaite maîtrise.
Ah ces musiques, qui nous semblaient alors tellement niaises...
Chanteurs bousculés par la vague "yéyé" ou anglo-saxonne, laminés par les "chanteurs engagés" et exterminés par le courant "Disco" (rares sont les reconversions spectaculaires à la Dalida).
Chanteurs réssuscités il y a quelques années, sous l'étiquette "kitsch" ; retour de vaporeuses nostalgies qui les rendent à nouveau audibles., peut-être aussi parce que les frénétiques "mégashows" de Gims et de Pockora ne sont, somme toute, pas plus "intelligents".
Chère Gloria, finalement, et ce sera votre revanche à l'époque des "mégashows" bruyants et indigents de Gims et Pockora, si votre voix nous touche comme ça, à l'improviste, ce matin, il faut bien en convenir, les gondoliers font toujours rêver, nous sommes et serons toujours étrangers au Paradis et nos histoires ne sauraient être, heureuses ou malheureuses, que des histoires d'un amour...

Mais "Ho la la. Que le temps s'étire..." n'est-ce pas Monsieur Gilbert Bécaud ?

Les jours étant courts en cette veille de premier jour d'hiver, je pars battre la campagne en tout début d'après-midi, les insurmontables terreurs ataviques héritées d'une enfance bercée de fantastique font que ma hardiesse se délite au fur et à mesure que les ombres enveloppent la forêt.
Je presse le pas.
Rentré au premier frôlement de la nuit, avant que ne sonne l'heure du dîner, je sors de leur léthargie d'un an les santons qui attendaient au fond d'un tiroir l'annonce du nouveau cycle d'espoir.
Charmes ne saurait faillir à la tradtion.

17 décembre 2020 (63)18 décembre 2020 (6)

 

 

 

 

 

 

Ah, mais je n'ai pas écrit une seule ligne...
Bah, j'écrirai demain.
A moins que je ne finisse l'aquarelle esquissée il y a... Combien de jours ? je ne sais plus...

Mais demain, oui... Demain...

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