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Le blog de HP
6 mars 2008

Tamesloht, encore, jusqu'à quand...

La fièvre immobilière rend Marrakech inaccessible, la saturation aussi, la fameuse palmeraie épuise son sol en forages de plus en plus profonds, la nappe phréatique s'épuisant à verdoyer golfs et autres "plages rouges".

Il existe, à une quinzaine de kilomètres de la capitale du Sud Marocain, en allant vers la chaîne de l'Atlas une ancienne bourgade au passé prestigieux, encore indemne il y a une décennie, mais de plus en plus compromise par la conquête de terrains vierges ; la petite ville s'appelle Tamesloht.

Les abords de la cité, arides et caillouteux, se sont couverts de villas somptueuses d'un style néo-berbère aux patios pseudo andalous, en même temps que la magie de l'argent combinée à l'industrieuse exploitation des ressources des entrailles de la terre ont ceinturé la prétention des constructions de jardins d'édens artificiels où palmiers et massifs fleuris servent d'écrins à la vulgaire prétention bleu d'azur des indispensables piscines.

 

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De plus, en toile de fond, les cimes enneigées des sommets vous garantissent le contraste le plus dolce vita qui soit. Ah, rôtir au soleil les yeux vaguant sur l'éclat de la neige !

Mais tournons le dos aux exotismes standardisés, prenons le virage à droite, et la route vers le vieux Tamesloht, bordée de murs ruinés scandés de cheminées immenses, vestiges des huileries qui faisaient la gloire de la cité du temps de son apogée, s'ouvre par un vieux ksar de pisé aux tours qui menacent de s'effondrer ; les cigognes dédaigneuses du danger et ivres d'altitude les ont sommées des énormes coiffes de leurs nids.
Il ne reste plus qu'une huilerie artisanale, et, autrefois dit-on, une canalisation acheminait la manne jusqu'à Marrakech.

Les abords immédiats de la localité pourraient être décevants par la prolifération de constructions hâtives en moellons, si ce n'était le miracle du souk du jeudi qui vous projette soudain dans un Maroc rural immémorial. Pour encore combien de temps?

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Les étals de fortune offrent à la convoitise ou aux besoins des chalands, parmi les fumées et les senteurs de brochettes, le luxe des pacotilles clinquantes, mais aussi la nécessité des légumes, volailles, moutons,et ânes ainsi que les outils agricoles traditionnels en fer battu.
L'intensité appuyée des regards en dit long sur le sérieux des marchandages.

La "rue principale" qui conduit à l'ancienne cité entourée de remparts est bordée de boutiques aux étals hétéroclites et généreux signalées par des enseignes d'une exquise naïveté colorée.

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Camions et ânes assurent les transports ; ce valeureux tâcheron, à l'ombre d'un eucalyptus a bien mérité son picotin.

Le bourg ancien, enfin atteint, nous offre au détour des ruelles de terre le trésor de ses portes anciennes tandis que l'huis ouvert du four banal laisse échapper le délicieux fumet du pain que toute bonne maîtresse de maison se doit de produire ; seules les "paresseuses" se fournissent à la boulangerie. Il faut avouer que le "modernisme" bousculant les traditions, il y a de plus en plus de "paresseuses" assumées avec désinvolture.


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Blasphématoires, les cigognes ont investi la cime du minaret et jaugent avec dédain la ruine des remparts, l'éboulement d'une partie de l'enceinte dévoile la totalité de la cheminée d'une ancienne huilerie ; un berger philosophe, participant de la pérennité de son monde qu'il semble croire éternel fait paître son troupeau entre les deux ouvrages défensifs de la ville et de la casbah.


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Car il y a une casbah à Tamesloht, une casbah qui derrière ses murs crènelés cache un décor andalou d'une exquise délicatesse.
La porte que vous voyez ci-bas est l'un des accès qui vous conduisent à tant de merveilleux vestiges d'un temps révolu dont les ruines en rendent l'évocation délicieusement douloureuse.

03porte_casbah

L'édifice appartenait à une puissante famille désormais ruinée, un patriarche plus que centenaire radotait avec élégance sur les réceptions du temps de Lyautey à  qui il offrit d'ailleurs, grand seigneur, le lustre de bronze désormais absent de la coupole à stalactites de plâtre dont il meublait l'espace.
Le Vénérable, qui nous "avait à la bonne" permettait que l'on découvre son palais. Il est mort. Les descendants ont divisé l'espace et la visite n'est plus possible.
Il y a deux ou trois ans j'ai eu la chance de pouvoir capturer dans ma boîte magique les poussières de tant de splendeur.

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Mais là, il y a quelques jours, face aux remugles des eaux polluées et saumâtres du ruisseau qui longe la ville et dont le cours dévié pour d'autres usages n'est plus qu'un crachat répugnant à la face de la beauté, un profond découragement m'a fait douter de la volonté de l'homme à préserver l'harmonie, le rêve, la poésie.

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Commentaires
H
@ Jacky : merci d'avoir ré-animé ce billet déjà ancien. Non, je n'ai rien oublié ni le café ni la poste mais le drame d'un billet c'est le choix des photographies, on en exclut tellement... Et puis aucune priorité n'est vraiment justifiable, mais enfin c'est ainsi je ne pouvais pas ici écrire cinquante tomes sur notre petite ville.<br /> <br /> Marrakech s'accroissant sans cesse, Tameslhot devient peu à peu une banlieue résidentielle et perd graduellement son âme déjà injuriée par les cubes de béton. Retournez-y vite tant qu'il reste quelque chose encore de ce que vous avez aimé.<br /> <br /> Merci de votre visite.
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J
Bonjour,<br /> Je suis resté 8 jours à Tamesloht chez l'habitant , avant de me rendre a Marrakech pendant mes vacances au Maroc.<br /> Je suis heureux d'avoir revu en photo ce village.<br /> Vous avez oublié le grand Café dans l'axe de la rue principale, celui ci on ne peut pas le manquer et le petit bureau de poste et surtout l'école<br /> Merci...encore
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M
Même si c'est une toute petite photo d'exportation, elle fait le lien nourrissant avec l'actualité laitière de ton récent billet ...
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A
Tellement vrai!Une grande sensibilité dans cette appréciation!
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P
j'aimerai bien voir des vrais photos de tameslouht de l'entée de la3ouina jusqu'au salih moulay abdellah ben hssain et des photos du moussem et les gnaoua du région et les groupes musiqeaux du village
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