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Le blog de HP
28 octobre 2016

Casablanca, sept ans plus tard

Absence de sept ans, sept ans sans préalable de réflexion, une parenthèse de sept ans parce que les circonstances, les empêchements, les atermoiements, les imprévus, etc. etc...
Casablanca, tu t'es dotée d'un tramway mais ton odeur est toujours la même, lourde et saline, saturée de miasmes marins, de vapeurs de carburants, de fritures de poissons et de cet indéfinissable je ne sais quoi qui transporté par les vents venus du large ou des terres caressent et agressent et finissent par te subjuguer alors que l'on se croyait au bord de la nausée.
Incompréhensible Casablanca, amoureuse d'espaces ouverts tu as préféré au métro ce tramway censé organiser ta chaotique circulation et, à le voir aussi bondé, on pourrait croire que le défi a été couronné de succès, eh bien non, le trafic est toujours aussi infernal et désordonné, tes artères engorgées au bord de la congestion battent un pouls arythmique et frénétique dans un concert des notes stridentes des divers avertisseurs de tes véhicules de tous genres scandés par les imprécations et disputes qui s'éteignent dès que l'on fait semblant d'en venir aux mains. Tiens, un scooter a été renversé sans autre dommage qu'une autre altercation gesticulante.
Finalement arriver à destination n'est jamais qu'affaire de temps, et comme il est de si mauvais ton d'être pressé !
Et puis, peut-être, ce nouveau pont à haubans en construction qui enjambera tes carrefours et tes rails finira t'il par canaliser le flux et te doter enfin de la quiétude provinciale de Paris ? Pardon, chers lecteurs Parisiens, mais tout n'est que question d'échelle.

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Casablanca l'insaisissable, mutante et toujours identique à toi-même,  tu as transformé, il y a quelques petites décennies, autant dire un siècle, ton vieux quartier du Maarif, où il faisait si bon déguster la kémia en terrasse à l'heure de l'apéritif, en jumelle de Manahttan, mais mutatis mutandis tu as phagocyté le changement et l'esthétique à la Bofill qui ont fini par s'amalgamer aux architectures coloniales qui, de l'Art Déco aux clapiers des années soixante en passant par les immeubles paquebot  des années trente et quarante, font de ton coeur un musée à ciel ouvert.
On pouvait penser que tu marquerais une pause, mais non, les quartiers d'affaires et les technopoles surgissent du sol comme champignons après averse ainsi que les campus universitaires.

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Ton dernier caprice ? Ce mall géant qui, sur ta célèbre corniche succède aux anciennes discothèques comme le Zoom-Zoom et la Notte où du temps de ma jeunesse on "allait en boîte", mais déja caviardés de MacDo et autres KFC aussi tapageurs qu'incongrus en ce lieu.

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Mais revenons à ce fameux mall dont tu es, Casablanca, si fière ; ce temple gigantesque où l'on adore le veau d'or et tous ses saints aussi nombreux que cosmopolites tels que saints Dior, Vuitton, Fendi, et aussi leur petit parèdre Tati chacun dans sa niche clinquante mais qui recèle cependant en son coeur un aquarium géant où un petit requin tourne comme ours en cage sous les traits dorés et chatoyants des nombreusesautres espèces qui peuplent le cylindre ; la paroi reflète les humains éberlués et les poissons doivent penser qu'ils n'ont pas l'air bien intelligents bouche bée en leur étonnement. En annexe une salle de cinéma en forme de dirigeable affiche le culte et les horaires dédiés aux autres divinités des block busters américains.

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N.B. Les temps anciens nous on légué de pyramides en cathédrales des chefs d'oeuvre d'architecture qui, même vidés de leur vocation initiale, témoignent par dela les siècles des aspirations de nos ancêtres et je me réjouis de la précarité des édifices de notre époque voués à disparaître en quelques décennies ce qui nous épargne une belle honte posthume.

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Là où ton vrai coeur, Casablanca, continue à battre au rythme des nostalgies séculaires, les nôtres et celles de nos prédécesseurs, là où ta vocation portuaire et commerciale te reliant au vaste monde, là où ton énergie innovatrice et conquérante sont nés, c'est autour de la vieille médina, l'ancienne ville mauresque, le port d'Anfa,  où s'établit la première "Résidence", c'est là qu'il faut aller les chercher car de là s'étendit la fièvre immobilière qui donna à la médina son auréole de blancs immeubles auxquels tu dois ton nom désormais célèbre.

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La troublante atmosphère du film de Michael Curtiz "Casablanca" (1942) est entretenue par la reconstitution du fameux café Rick's au détour d'une ruelle longeant le vieux port ; plus loin le cinéma Le Rialto aux enseignes Brodway a encore fière allure malgré l'empâtement des couches successives de peinture. On ne sait plus si ce monde interlope de périls séduisants et d'amours fatales s'est intégré aux pavés qui exsudent encore les drames dont ils se sont imbibés ou si, la nuit venue, les réverbères fantomatiques n'éclairent toujours pas la scène du jeu des tentations et des règlements de comptes.
Je retrouve avec plaisir la brasserie La Chope où il y a si longtemps je sirotais des bières en terrasse ce qui n'est plus en nos temps si observants en façade possible (rassurez-vous, à l'intérieur bière et alcools sont toujours servis), mais plus loin le sélect club Seamen's survit au milieu des ruines du quartier de docks en pleine reconstruction, le vieil établissement où l'on déjeune toujours de poissons et de bières sous les arbres de sa salle à ciel ouvert s'est fardé de couleurs criardes comme pour clamer sa détermination à vivre au milieu des gravats prometteurs d'avenir.

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La ville coloniale garde encore fière allure surtout le long des avenues remodelées par le tramway, mais pour le reste les beaux immeubles s'écaillent et se lézardent à l'envie ; les Casablancais ont bien pris conscience de cette incurie qui injurie les artères il n'y a guère si élégantes, alors on pense aux restaurations, mais le quartier s'étant paupérisé, comment reloger et réhabiliter ?
En attendant que la quadrature du cercle accouche d'une solution nous avons échappé au pire: ni enrouleurs en PVC ni devantures au luxe indiscret ne sont venus injurier les nobles façades.

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Nous ne saurons jamais, Casablanca, quelle est ta vraie nature de la cité fantasmée de nos mémoires collectives ou de la mégalopole tentaculaire qui se projette avec ardeur vers un futur de béton et d'acier ; mais cela, ville mosaïque, fuyante et protéiforme, ne demande aucune réponse, l'ennui des adolescences désoeuvrées du dimanche, l'éclat de certains visages et les modes de traction immémoriaux qui subsistent filent la toile de ton intemporalité au milieu de tes convulsions.

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A te revoir Casablanca, avant sept ans, c'est promis, je reviendrai voir si tu as stabilisé le remodelage de ton centre administratif en complet chamboulement avec les réaménagements de tes jardins et la construction d'un nouveau théâtre.
Peut-être même seras-tu déja passée à autre chose...

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Commentaires
H
@ Jag : Nous aussi y sommes entrés, alors accompagnons les évolutions de la ville, tant qu'on n'oublie pas ses racines il ne faut pas se rogner les ailes.
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H
@ Jeanne : Et si tu revenais ?<br /> <br /> La mer et la ville sont faites de souvenirs.<br /> <br /> Fidèle.<br /> <br /> Je t'embrasse ma Jeanne
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J
que j'avais dans le cœur<br /> <br /> cet océan qui me racontait des histoires<br /> <br /> il y a longtemps <br /> <br /> plus de 7ans<br /> <br /> je sais que je n'y retournerai plus<br /> <br /> ou alors dans un autre temps<br /> <br /> je t'embrasse ami
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G
J'ai passé quelques heures seulement dans la ville de Casablanca, je ne peux donc pas dire que je la connais....mais il est vrai qu'en sept ans, une ville doit connaître bien des changements
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H
@ Pierrette : Merci amie
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