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Le blog de HP
7 mars 2010

Paris, le mercredi 3 mars 2010

Il faisait froid, mais bien moins moins qu'aujourd'hui, ce 3 mars à Paris, et le temps était tout aussi ensoleillé.
Le boulevard, riant de lumière, m'invitait au spectacle, aussi, le pas léger et rapide, l'esprit aiguisé, je répondis avec joie à la sollicitation.

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Anniversaire oblige, les mânes quelque peu égotiques de l'ombrageux séducteur romantique, craignant que l'événement ne soit encore parvenu jusqu'à moi (notre compositeur ignorait tout de la pression médiatique contemporaine) , me jeta en pleine vue le fronton de la demeure parisienne qui, pendant quelques mois, retentit des accords tour à tour languides et primesautiers que la dextérité de ses doigts de génie imprimaient à son piano-forte.
Tout brillait, étincelait, et la ville lumière, cette fois sans aucun recours à la fée-électricité, disait le faste éclectique du Second Empire.
Les acrotères de bronze et d'or de l'Opéra Garnier se découpaient avec une précision d'orfèvre sur l'azur implacable du ciel ; l'horloge de ce pompeux immeuble voisin de la Bourse disait le temps qui passe, et, plus loin, sur cette architecture industrielle néo-gothique, s'étaient empêtrées dans leur inventaire d'influences Byzantines ou Vénitiennes, les aiguilles de cette autre horloge qui du coup arrêta son temps.

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Mais Paris, complaisant avec qui a les moyens de s'offrir son luxe, n'es pas tendre avec les démunis, tout au long du boulevard, la misère s'étale sous l'indifférence affairée ou musardière des passants. La solitude et l'humiliation gisent au ras du sol bien plus bas que les regards absents des  privilégiés verticaux.
Qu'il semble loin le Paris, pourtant si récent, où chaque quartier avait son clochard familier avec lequel on échangeait quotidiennement au moins un "bonjour" à moins d'engager,et c'était fréquent, une petite conversation ; les gens de la rue de notre néo-libéralisme béni sont trop nombreux pour bénéficier du luxe d'une identité. Ce sont des "pauvres", point.
Dans quel tons, ma chérie, Vuitton va t-t'il décliner ce printemps le dérisoire de ses inutilités prétentieuses et hors de prix ?

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Populaire et insolente, la rue Saint-Denis, également répartie entre commerce de fripes et celui de la chair, grouille de sa population composite, bigarrée, déjantée et industrieuse.
Tous les commerces ne sont pas légaux, mais la miniscule scène de ce professionnel de bonneteau ne semble guère s'émouvoir des rondes des rambos de la police.

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Les échanges du textile se font, dans cette artère encombrée, à bras d'hommes, voila encore un autre secteur de "travail au noir" que les pandores ignorent superbement.
Les Belles de jour alpaguent discrètement (attention Sarkozy vous voit) les chalands, certains émoustillés, l'air de rien ou faussement désinvoltes, s'enquièrent des tarifs, mais, comme vous pouvez le constater, les fesses qui s'offrent à la vue ne sont pas forcément les plus vénales.

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Y aurait-il un crypto-Paris inverti ? Si la majorité des gens au lieu de regarder les frustrantes vitrines savaient lever les yeux et regarder leur ville, ils se poseraient la question.
Pour témoin, regardez attentivement ce bel exemple haussmannien, boulevard des Capucines.

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Quel fantasme du commanditaire ou du sculpteur est venu peupler le dernier étage, juste sous les mansardes, de ces cinq couples d'éphèbes équivoques, d'Antinoös enamourés ?
Choqués ou intrigués ?
Bah, oubliez vos signes de croix , vos anathèmes ou vos penchants, l'apparence de ces charmants délurés est trompeuse, ils sont plus que centenaires.
Il vaut mieux en rire...

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La déambulation touche à sa fin, en rentrant je me ferai un thé bien chaud, mais soudain, devant le vénérable édifice des Arts et Métiers, une ondoyante silhouette, juchée sur d'improbables talons, brave le temps et décrète aussi le printemps ; rebelle, l'élégante personne fait la nique à l'uniforme mini-jupe ou chort, bas opaques et bottes de grenadier.
Bonsoir, jolie Madame, j'espère qu'aujourd'hui vous avez prévu une petite laine. Il fait tellement froid...

arts_et_m_tiers

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Commentaires
H
C'est vrai Jean, Paris la quotidienne, paris la ressassée, abolit tout à coup ce que l'on savait d'elle et vous offre un visage insolite, inattendu.
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J
Comment se lasser de cette ville qui réserve chaque fois qu'on la découvre de belles surprises ?
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H
@ Marie : Eh bien je vois que le kaléïdoscope parisien t'a interpellée de bien des facettes, j'en suis content.<br /> @ Jerem : Oui, Pris l'opulente et Paris la pouilleuse, ville Janus.<br /> @ Jonathan D : Et c'est de plus en plus agréable, il fait désormais doux.<br /> @ Jean-X : C'est vrai que paris aiguise l'esprit en pointes incisives. <br /> Quant aux "laissés pour compte", ils font, objectivement, de plus en plus partie du paysage, pour preuve l'allongement des files d'attente à la "soupe de saint-eustache".<br /> Les petits fripons sont, je le confirme IIIe République,mais ils se situent en marge de la "république des Jules" ;-)
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J
J'aime toujours les promenades que tu nous offres dans ce Paris que tu aimes et au rythme duquel tu vis tes hivers. J'ai remarqué que, bien souvent, c'est lorsque tu nous y emmènes que ta plume se fait légère et caustique, peut-être du fait d'une subtile rémanence de l'esprit frondeur que l'on attribuait volontiers, par le passé, aux habitants de la Capitale ?<br /> Saisir, par petites touches, l'esprit d'un lieu nécessite obligatoirement de ne pas se laisser berner par les mensonges lumineux des vitrines (quelle que soit la forme que prennent ces dernières) et de s'attarder, ce que bien peu de gens font encore, à regarder tant vers le haut que vers le bas. Alors défilent et l'Histoire - Chopin et son Pleyel (merci, au passage, d'avoir écrit qu'il ne jouait pas sur un moderne Steinway) comme les troubles éphèbes de pierre de la Troisième République (tu me corrigeras si je fais erreur sur la datation)- et l'histoire, celle des petits trafics qui sont autant de fragments de passé encore vivants aujourd'hui, celle des modes qui passent et finissent toujours par revenir. Et puis, surtout, celle de la misère, qui est de tous les temps.<br /> Il y a certes comme un léger parfum printanier qui sinue au travers de tes lignes, grisant, riant, comme l'est toujours le frémissement qui annonce le retour des beaux jours; mais il ne peut masquer que ceux qui vivent sur les trottoirs de nos villes saturées de lumières connaissent, eux, un hiver permanent, celui qui, au-delà de la détresse matérielle, est surtout celui du cœur. Tu l'as dit très justement, leur identité s'efface (souviens-toi de cet article publié dans Le Monde sur les "compagnons du dernier voyage") au profit d'une étiquette sociale - encore une - et ce n'est pas le moindre des charmes de ton billet que d'avoir rendu sensibles - visibles, le temps d'une lecture - ces ombres qui passent sur le sourire du printemps à venir.
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J
Merci de nous balader dans les rues de Paris !
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