L'ombre s'enfuit...
Premiers mots de cette chanson de Tino Rossi intitulée "Tristesse" parce que composée sur la musique éponyme de Chopin.
Je n'ai pas d'affection, ou plutôt je n'avais pas d'affection, particulière pour ce chanteur "de charme".
Mais un être cher l'aimait et, quasiment en même temps que j'en découvrais les paroles griffonnées à la hâte sur une enveloppe de fortune, je trouvai, au hasard d'une brocante de Marrakech, un crayon quelque peu malhabile du compositeur.
L'ombre s'enfuit...
Les mots me hantent, se sont fichés en moi et ne me quittent plus.
L'ombre qui s'enfuie n'est pas celle qui annonce l'aube, car cette ombre-là ne fuit pas, elle s'efface.
Qui es-tu ombre fugace, démone insaisissable ? Les traits ou la silhouette des aimés disparus et qui peu à peu se dissolvent dans les méandres des incertains des souvenirs qui se dérobent ?
L'ombre d'un amour que la nécessité de vivre entoure des gazes des défaillances de la mémoire ?
Ces mots me submergent de nostalgie car ces ombres vaporeuses qui, comme de sombres écheveaux d'étoupe, s'effilochent et désertent nos pensées, rampantes et implacables, doucereuses et cruelles, sont celles des "jamais plus".
Pour qu'elles ne fuient plus, ces ombres délicieusement mortifères, j'ai essayé de les tuer en allumant cette lampe à l'abat-jour d'incandescence.
J'ai cru l'anéantir cette ombre, mais soudain, la tourmente s'est levée sur la ville, et, dans une sarabande infernale, les lumières tueuses tentaient de précipiter la fuite des ombres.
Mon cœur béant battait l'apocalypse, enivré du vaste chagrin des vides démesurés.
Que ne puis-je retenir ton ombre ?