Frontières
Au moment ou juillet bascule en août,une vie, très chère, menacée, me confronte brutalement à l'inéluctabilité de certaines échéances ; le truisme éculé vous mue, à grand fracas intérieur, en boule d'angoisse et de peur.
Nous restons toujours un enfant face à la peur des adieux.
Une existence décline et, du côté opposé, du haut de ses six mois, Angel le bien nommé, lance un sourire de soleil levant à cette nouvelle vie qui s'ouvre.
Juste en cette période anniversaire, je retrouve une photographie du jour de mes vingt ans ; c'était à San Francisco dans un milieu d'affaires qui ignorait tout des mouvements "contestataires" en marche, il faut dire que depuis l'inénarrable Reagan, les rêves libertaires d'alors sont passés à la trappe...
Ma soeur et moi qui faisions piètre figure venant d'un pays où "l'on ne s'habille plus" fûmes déguisés manu militari par ma tante de là-bas en véritables icônes kitsch de la saga "Dallas". Marie-Emilie, choucroûtée, laquée, make-upée, gantée et bijoutée vit ses dix-huit ans défraîchis en un tournemain. De l'art de transformer une jeune fille en future dadame.
La mode masculine était tout de même plus supportable... cependant, quelques décennies plus tard, l'insolence de ma belle jeunesse me rend soudain mon miroir insupportable.
Je n'ai plus vraiment la même gueule d'ange mais j'ai toujours conservé l'ineffable gilet de satin blanc broché d'argent.
Entre ciel et terre, entre eaux et rivages, Bordeaux et sa région semblent, en cet été entre soleils et pluies, vouloir brouiller les lignes de démarquation entre les éléments.
Les chevaux amphibies de la fontaine des Quinconces agitent frénétiquement l'air de leurs antérieurs palmés, leurs crinières d'algues serpentent telles des oriflammes, leurs naseaux furieux crachent l'élément liquide en jets de brume rageurs, mais leur protome se prolonge en queux marines de tritons monstrueux qui ne quitteront jamais l'onde.
Altière et embrumée de paillettes mouvantes, la République érige son sceptre vers les nuages que ses montures n'atteindront jamais malgré leurs élans désespérés.
A Pauillac, sur le port, une embarcation, curieusement, s'élève au dessus du sol et se découpe sur les nuées. Les étais ne semblent plus la caler mais, plutôt, retenir son envol
Avant d'atteindre lés gorges de Kakouetta (oui, je sais, le nom ne fait pas sérieux, mais je n'y suis pour rien) l'église de Sainte Engrâce recèle bien des trésors qui feront peut être un jour l'objet d'un billet sur ce blog, mais, en l'occurence l'huis qui en permet l'accès, entre la splendeur de la montagne et les pénombres du Saint Mystère marque la limite entre le profane et le sacré. Un autre église près de Tardets offre la tribune d'où les hommes suivent la messe alors que les femmes restent traditionnellement au rez-de-chaussée ; les sexes en Pays Basque, comme dans les vieilles mythologies, sont séparés devant le Divin, l'homme élément solaire, la femme participant de l'univers chtonien.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
Le col de Larrau, qu'il faut franchir pour atteindre Pamplona, matérialise la frontière entre la France et l'Espagne, ses hauts alpages sont peuplés de moutons, chevaux et vaches qui semblent vivre en toute liberté sur cette somptueuse toile de fond des montagnes pyrénéennes.
Je m'attarde plus volontiers sur les bovins, animaux qui m'ont toujours fasciné par leur corpulence et leur puissance en totale opposition avec la douceur profonde de leurs yeux si tendres.
.
.
.
.
.
.
.
Les poncifs attachés à cet intéressant animal sont bien plus stupides que le caractère qu'on leur prête.
Je me demande quelle est la vue que les vaches ont de ce monde, est'elle frontale ou doublement latérale ? Comment nous voient'elles, placides et philosophes, alors qu'elles pourraient sans effort aucun nous anéantir ?
Leurs globes oculaires sont insondables et semblent scruter aussi bien l'intérieur que l'extérieur, ont elles prescience dans leur grande sagesse de l'horreur du couloir de la mort qui concluera leur itinéraire terrestre si lumineux et pur ?
En tout cas l'irrespect absolu, l'insulte de l'homme agraphée à leur oreille nous indique qu'elles ne sont qu'un numéro identifiant d'une marchandise promise aux enfers bouillonants de nos cuisines.