Fin d'été
L'été se meurt avant même que d'avoir été...
Les ondées incessantes ont eu raison des fruits et des légumes du jardin, ceux qui n'ont pas pourri sur pied ont été lavés de leur goût, l'étang se donne des allures de petit lac et, tout autour, la terre-éponge boit les pas des promeneurs.
Il suffirait tout simplement d'un caïman et d'un grand félin sauvage pour se croire au pays de bayous.
Bien heureusement, depuis quelques jours le soleil capricant de cette année nous nargue de son apparition tardive pour nous brosser un paysage pré-automnal, la feuillée est déja compromise de quelques tâches de rouille ou d'or pâle et le déclin du jour, de plus en plus précoce, nous projette une saison en avant.
Mais il fait beau, fugaces, les enfants peuvent enfin donner des ailes à leurs bicyclettes sans se crotter.
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Ces instantanés me remémorent une belle expression marocaine ; lorsque les vélocipèdes firent leur apparition en ce pays, les Marocains, avec leur sens immémorial de la belle image poétique, les surnommèrent les "aoud diel rih" c'est à dire les chevaux du vent. De quoi inspirer Bartabas...
Et, sous le soleil revenu, la vie s'enchante du moindre trajet, j'éprouve un plaisir infini à enfourcher aussi mon cheval du vent rouge pour aller poster mon courrier à la boîte à lettres apposée sur le mur de la "maison des Anglais". Oui, oui, Charmes en l'Angle malgré ses huit habitants accueille deux adorables Londoniens et est (encore) dotée d'un service postal.
Il n'est plus besoin de bouchonner les pattes de Belle et Chitan chaque fois qu'ils demandent à entrer ; la porte ouverte en permanence ils peuvent au gré de leurs envies s'assoupir sur le moelleux des tapis ou sur la fraîcheur de l'herbe sans rendre de comptes à qui que ce soit.
Chitan, le 17 septembre, aura un an et demi, son humeur alterne entre débordements d'affection et jeux effrénés, il tue aussi, impitoyable fripon, oiseaux, fouines, ragondins et hélas aussi un écureuil.
Belle rassérénée par la présence de son "petit frère" prend son rôle d'éducateur très au sérieux, cependant, il faut ête atttentif à ce que sa tendance fusionnelle n'aille pas jusqu'à agréger la gamelle du petit à la sienne.
Toujours avides de caresses, ils ont intercepté Charles sur le chemin de son occupation favorite, le jardinage.
Par dessus les frondaisons, un ciel d'ouate mauve ourlée de rose annonce la fin d'une journée.
Une invitation chez des amis, non loin de Charmes, à Rouvroy, clôt un autre jour.
La maison d'Anne et Bertrand n'a pas voulu être du dix-septième siècle, le corps principal est de 1599. Le lieu calme et mystérieux abrite le tombeau d'une marquise du dix-huitième siècle, la marquise de Pleurs dont le nom m'enchante par la grâce surannée du titre assortie d'un patronyme d'une telle tristesse romantique.
Les grilles du portail ornent de dentelles le bleu déclinant du ciel ; moussue et érodée la statue de la Vénus anadyomène, teinte le jardin d'une indicible mélancolie.
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Les heures s'écoulent, le frisson de fraîcheur qui parcourt les épaules rappelle que la saison est avancée ; nous rentrons sous un ciel de sabbat où la lune rousse lance des clins d'yeux sataniques, pendant que, rassurant, le clocher si particulier rétablit la paix.
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Le monde et ses deux pôles.
Une page de calendrier s'envole encore.
Le temps passe...