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Le blog de HP
10 mars 2009

Gares

ensemble

 

Étranges lieux que les gares, entonnoirs de toutes les convergences et, si l'on retourne le bec, de toutes les divergences.
Châsses de tous les possibles et de tous les désespoirs, des adieux et des retrouvailles, des transits et des haltes, les gares fascinent, dérangent, promettent des ailleurs réels ou fantasmés et scellent les non-retours.

Depuis que nous avons renoncé aux fastidieux allers-retours en voiture, le rythme des séjours à Charmes ont la gare de l'Est comme point de départs et d'arrivées. Disparu pendant la restauration des lieux, admirablement restauré, "le départ des poilus en août 1914" d'Albert Herter couvre de ses soixante mètres carrés le sommet des arcs qui donnent accès aux quais.

Cette toile foisonnante exécutée par l'Américain amoureux de la France en 1926 à la mémoire de son fils Everit-Albert tombé à Château-Thierry, aimante toujours mon regard ; Dieu sait si je l'ai souvent vue et observée, je n'ai jamais épuisé la richesse de ses détails.

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Le peintre, douze ans après l'événement, a dépassé l'anecdotique en donnant à sa vision l'étendue d'un panorama de tous les cycles de la vie.

Albert Herter, peintre d'Histoire observée du versant de l'Humain, donne une dimension intemporelle au thème abordé au moyen de quelques détails à priori infimes et pourtant si parlants : Les costumes, parfaitement reproduits sont ceux de 1914, sauf à quelques détails près, sur le fragment central proposé, la robe de la fillette, ainsi que sa coupe de cheveux, sont celles de 1926 ; de même quelques personnages du tableau de droite n'appartiennent pas à l'époque évoquée, à savoir le bambin en culotte  et le dernier personnage féminin dont la coiffure courte n'était pas d'usage avant guerre.
La figuration de gauche illustre à elle seule les différents âges de la vie : la jeunesse virile part, souriante, au combat, les personnes âgées et les enfants tournent le dos au départ et rentrent dans leurs foyers.
Les lendemains, malgré les fanfaronnades et les fleurs au fusil, ne chanteront pas.
Le père qui étreint son nourrisson le verra t'il grandir ? Le couple mûr assis et prostré, Cassandre bicéphale, semble lire dans le destin.
Communiante ou mariée ? Quelles promesses évoque la jeune femme voilée de droite, vierge fantomatique comme une apparition spirite, étendard doucereusement tragique des engagements que la Faucheuse déliera certainement.
Restent les enfants, ils sont nombreux, émaillent le tableau d'un babil perceptible par delà les temps. Ils sont l'avenir, la certitude que les pires horreurs ne sont pas prêtes à abolir la vie.

le_peintre

Il y a dans cette curieuse toile comme une convergence des danses macabres du Moyen-Âge que l'on peut déceler en filigrane, dans un palimpseste prédit ; maudit.
On peut y trouver aussi l'appréhension de la mort exprimées dans les anciennes "fontaines de jouvence" et les inexorables figurations des transformations des corps au fil des années vécues comme chez Cranach par exemple.
Si le subterfuge du décalage de certains costumes projette la scène vers le futur, on voit aussi que les racines sont profondes, lointaines.
Mais il y a aussi toutes les rédemptions, tous les espoirs du monde dans la turbulence de ces enfants qui sauront peut être faire mieux que leurs aînés, à moins qu'un vent de folie ne vienne encore cracher le sang et étrangler les espoirs dans une nouvelle apocalypse.

Albert Herter, mort en 1950, a connu la déflagration suivante...

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Commentaires
H
@ Cristina : Nous avons la vie devant nous...
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C
Vraiment dommage.<br /> La prochaine fois, promis, on s'organise mieux...<br /> Enfin, je m'organiserai mieux!<br /> Bisous.
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H
@ l'Estro : Comment as-tu deviné le sujet de mon prochain billet ? Lol
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L
J'espère que tu publieras à l'occasion un billet sur cette belle ville de Bruxelles, si attachante à qui sait l'entendre et murmurer !
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C
Je t'y dirais les mots bleus... Dans ces gares-là... Les gares et leurs machines infernales sifflantes qui nous emportent un peu de nos vies, de nos amours... Et on s'en bouche les oreilles de leurs sifflets à nous percer les tympans ! C'est drôle comme quand nous repassons dans les gares, on a la gorge serrée à se souvenir de ceux qu'on a quittés pour d'autres visages, d'autres paysages. J'ai beaucoup de tendresse douloureuse pour les gares. C'est un peu de nous que les gares ont emporté. Je t'embrasse. Prends soin de toi. Chris-Tian.
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