Horizons barrés
Atmosphère irréelle de ce printemps travesti en été ; les cimes des Alpes scintillent, aveuglantes de neiges habitées de soleil. La Savoie est belle, belle à couper le souffle, belle à vous noyer l'esprit dans le poncif de l'attribution de cette démesure de la Nature à une Création ; tant de beauté ne saurait être le fruit du hasard.
Et il est reposant, le temps d'un rêve, de voir dans ces reliefs formidables une esthétique incompréhensible plutôt que la mécanique des soulèvements tectoniques.
Les nouveaux Icares, planant tels des vautours aux ailes de toile, sont la revanche posthume du héros éponyme.
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Mais, malgré l'émotion et la sauvagerie des reliefs j'ai comme une impression d'enfermement, comme si ces horizons barrés constituaient un obstacle aux désirs de l'esprit.
J'ai l'impression d'un monde fini, d'une spatialité contrainte, je n'éprouve pas le vertige, l'appel mystique de l'univers infini des déserts.
Ne craignez rien, je ne vais pas vous imposer une succession de clichés "carte postale" que mon objectif a cependant capturés avec gourmandise.
D'Annecy vous ne verrez pas le lac pourtant si fier de ses eaux si pures, pas plus d'ailleurs que les dédales de ses ruelles foisonnantes de glycines et qui finissent en balcon sur les vieux toits de la cité.
En revanche, j'ai été surpris de la richesse architecturale, beaucoup moins reconnue, d'immeubles cossus des années trente et quarante.
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Autre bouleversante découverte, celle de l'église du plateau d'Assy, près du village de Passy, qui s'est voulu un manifeste du renouvellement de l'art religieux, la façade chante un hymne de confiance au Créateur fait de couleurs lumineuses ; Lurçat a déployé au-dessus du choeur une tapisserie qui réactualise les terreurs transcendantes de celles de l'Apocalypse d'Angers et un vitrail de Couturier "Véronique et la Sainte-Face" retrouve la profondeur dramatique de certains ouvrages du treizième siècle.
Et ce ne sont là que quelques détails d'un répertoire d'une richesse foisonnante.
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Genève le temps d'un déjeuner, Genève si bien chantée par Marie Laforêt, Genève distante et froide malgré le soleil estival, Genève aux vitrines de luxe où une seule montre est un démenti hautain aux misères de la planète.
Seul le fameux jet atteint les hauteurs astronomiques des prix de ses robes griffées.
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Retour Parisien le 2, suivi passionné du débat, la Dame m'a ému, habitée et lumineuse, claire et précise, le regard acéré et le sourire enfantin, magnifique dans sa colère face à l'autre faussement patelin et retors. Elle a eu l'avantage ; Monsieur Talonette réfugié dans une politesse de commande qui a dû lui perforer l'estomac d'aigreurs tues, s'est laissé promener par le nez.
Mais de cela la presse n'a rien vu ou voulu voir, son indépendance proverbiale a inversé la réalité, la ficelle a été gobée par les panurgiques moutons nourris aux herbages des vérités assénées.
A moins d'un miracle, demain nous nous endormirons dans un Sarkoland aux horizons barrés.
Dégustons cette dernière soirée bercés par l'illusion de "l'encore possible"...