Guillaume et Mathieu
Guillaume et Mathieu, mes petits neveux, sont venus m'enchanter à la campagne.
Cette fois-ci, ils sont venus avec leur père, il y a plus d'un an ils étaient venus avec leur mère ; l'un des bénéfices des familles dé-re-composées c'est que si vous restez en bons termes avec les deux conjoints, vous voyez les enfants deux fois au lieu d'une.
Guillaume et Mathieu me ravissent, ils s'expriment à la perfection avec leur accent bordelais à couper au couteau.
Ce sont de jeunes coqs, voix déja assurée qui sied parfaitement à la vanité puérile de ces petits mâles dressés sur leurs tendres ergots.
Ils ont l'ambigüité des pré-adolescents, fêlures de la voix qui prend tout à coup des tonalités quasiment féminines quand une émotion les étreint. Ce moment de leur voix va très bien avec la douceur duveteuse de leurs joues..
Guillaume et Mathieu, par ordre de naissance et pas de préférence, car préférence il n'y a pas, sont héberlués d'avoir un oncle qui dit des gros mots et des horreurs qui déclenchent des pics et des énervements indescriptibles. Je m'emploi à vivre avec eux le monde névrotique et obsessionnel de l'enfance, et, quand les "adultes" grondent, nous sommes trois à écoper.
Nous pinçons tous les trois les lèvres pour ne pas rire en nous coulant des regards complices et recommençons dès que l'orage est calmé.
Mais nous avons aussi des discussions trop sérieuses pour les "grandes personnes", comme ça la dérobée, en catimini, je suis dépositaire de confidences, d'états d'âmes et d'interrogations, tantôt étonament lucides, tantôt complètement incongrus que je reçois immédiatement à cent pour cent, je pense que cela leur fait du bien. A moi aussi d'ailleurs car cela m'aide à me rendre compte à quel point le monde des "grands" n'est qu'un prolongement tantôt contrarié, tantôt adapté, du monde de l'enfance.
Et puis, Mathieu a essayé de m'apprendre à jouer aux échecs, je l'ai cependant énervé car je n'ai aucune concentration pour le jeu, alors que lui prenait son rôle de pédagogue très au sérieux.
Ils sont partis hier après-midi, nous avons fermé la maison ensemble, ils n'ont pas voulu abandonner le bonhomme de neige dont ils ont sommé la voiture des adieux.
Ils sont partis, mutins et graves, espiègles et profonds, rieurs et boudeurs. J'ai éprouvé un sentiment d'abandon...
Guillaume le Bleu et mathieu le Jaune
Voyez-vous le petit bonhomme de neige qui s'éloigne sur le toit de la voiture ?