Pax Burdigala
Bordeaux glacé, l'allégorie de la colonne des Girondins qui, pour nous enfant était "la mouche" fait la belle, débarrassée des frondaisons des platanes.
Le quai des Chartrons (non, je ne dis jamais "cours Xavier-Arnozan") et la parfaite stéréotomie de ses balcons en encorbellement de l'aristocratie du bouchon ont étouffé dans leur beauté figée les drames familiaux à jamais murés dans ces élégants sarcophages.
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Mauriac n'est pas loin.
L'écrivain, peintre des indicibles secrets familiaux a toujours la même actualité.
Bien sûr le contexte n'est plus le même, les moeurs non plus d'ailleurs. Aux verdicts sans appel des "conseils de famille" glacés et mortifères ont succédé les tribunes bruyantes et assassines de chaque ego.
A la dictature d'un Ordre intangible s'est substituée un affrontement "démocratique" des convictions personnelles.
La soumission à l'unicité transcendante est remplacée par le choc des vérités plurielles.
Les mises à mort scellées sur des pactes claniques restaient d'une retenue d'expression aristocratique. Les empoignades furieuses sont inhérentes à la vulgarité d'une époque.
Mais, pérenne, le jeu des hystéries, des frustrations, des pouvoirs affectifs ou matériels reste d'actualité. Et surtout la soif jamais assouvie de reconnaissance qui masque sous l'agressivité l'amertume de ne pas se sentir "assez aimé".
Les femmes s'affrontent, les hommes rongent leur frein jusqu'à ce que l'un deux ne se contrôle plus. Et n'allez pas me croire sexiste, nos provinces perpétuent les schémas ; ceux qui y échappent attendent comme une fatalité le dérapage qui déchaînera l'orage et, l'équanimité qu'il s'était pourtant promise, volera en éclats dans le maelström qui a son tour le submerge.
Comme extérieurement on se lave vite des drama familiaux !
A se demander si l'universalité et le partage du traumatisme en empêchent l'enracinement profond...
Vient l'heure du départ, des adieux, des regards humides, de la tendresse qui s'exprime enfin, car malgré l'inaptitude à vivre ensemble, l'amour, lové au plus profond des êtres s'exprime enfin, parce qu'il est trop tard pour cette fois-ci, parce qu'on n'a pas eu le courage ou la force, ou l'envie de comprendre les multiples désarrois qui inhibent certains mots, certaines attitudes.
Tous mendiants d'amour et tous pris en défaut de dispensateur d'amour...
Noël et son message oublié, Noël et ses cicatrices, Noël et ses espoirs.
C'est sûr, l'an prochain...