Humeurs parisiennes
Hier, première vrai journée de chaleur, Charmes s'embrase et se diapre, dans l'étang les carpes, toutes à leurs amours animent et rident la surface de l'étang au gré de leurs sauts frénétiques.
Jamais le tulipier de Virginie ne nous a gratifiés d'autant d'efflorescences, j'en ai ramassé deux au sol et suis émerveillé de la délicatesse de leurs teintes. Je pense que le premier arbre de cette essence fut acclimaté en France à Versailles et que Marie-Antoinette l'aimait beaucoup.
Le retour à paris s'est efectué en train, départ de Bar-sur-Aube (oui, je sais je devrais apprendre à conduire, mais bon on ne se refait pas).
Dans mon compartiment un groupe de bons bourgeois de province échangeant les éternels propos amers sur une France réduite à néant. J'ai eu du mal à me retenir d'intervenir, surtout lors de la sempiternelle diatribe contre les "jeunes" qui n'ont plus de sens des valeurs, sont assistés, mal élevés et paresseux de surcroît ; mais palsambleu (admirez l'élégance de ma retenue), qui donc à fait le monde où essaient de survivre les nouvelles générations sinon ceux-là même qui déplorent la fin de "valeurs" qu'ils ont eux-mêmes sabordées.
Ce sont ces satanés soixante-huitards qui ont confondu liberté et laxisme, libération et facilité, libre pensée et course à la jouissance immédiate, liberté d'allure et exhibitionnisme.
Le tout pour laisser le vide où s'est engouffrée la course au profit.
Hier, au Théâtre de la Ville, le ballet de Anne Teresa De Keersmaeker "D'un soir un jour".
Un danseur de l'après-midi d'un faune inspiré et lascif, dansant de tout son corps, y compris les orteils, mais bon, un pied, est-ce si beau que ça ?
Inévitables danseuses hagardes traversant la scène en courant ; on frôle le poncif.
Inévitables danseuses aux seins nus ; qui pourrait concevoir un ballet contemporain sans exposition gratuite des corps ? Ce qui fût avant-garde et lutte contre les conventions est devenu un nouveau conformisme.
A quand la rébellion de la décence et de la grâce ?
Pantalons larges et chiffonnés qui tassent les silhouettes, lumières chiches, et tous ces mouvements au ras du sol. Je constate qu'autant la danse "académique" est un élan vers le haut, la légèreté, la sublimation, ces chorégraphies sont plombées par l'irrésistible attraction terrestre. Les tombées se multiplient au détriment de l'envol.
Signe d'une époque sans espoir ?
Il n'en reste pas moins que le travail des corps est remarquable.