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Le blog de HP
28 mai 2019

Métaphysique en barboteuse

Prémisses

La plage, Malaga je crois, un poupon de treize mois, bien replet, tourne le  dos au vaste horizon d'une vie qui s'ouvre devant lui et dont l'entonnoir, depuis, ne cesse de se rétrécir.
Il y a si longtemps...

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Une "enfance heureuse"

Un enfant prénommé Henri-Pierre, né à cheval entre deux cultures;
Henri, en espagnol Enrique (Kike pour les intimes) souvent appelé el franchuti, argot quelque peu péjoratif pour dire Francés dans son Madrid natal, devenait, les Pyrénées franchies,  Henri, Henriette, sa maman, avait élevé l'enfant en "vrai" petit Français, fier de son appartenance au "pays des droits de l'homme" avec quelque condescedance pour la franquiste Espagne.
Comment ne pas se sentir à jamais, après tout cela, le séant entre deux chaises ?

Cependant, "le petit Henri" grandissait en apné dans l'amour d'une famille harmonieuse ou qui, du moins, jouait à la perfection la comédie du bonheur, encadré de parents aimants, chlorophormisé dans un cocon d'affection et éperdu d'admiration pour l'élégance et la beauté de papa et de maman.
Aucune tension familiale, soigneusement mise au secret sous les rites du culte des apparences, pas plus qu'aucun remugle émanant de la laideur du monde extérieur ne venaient troubler l'âme innocente du chérubin sur-protégé.

Les rues étaient propres, les vêtements appropriés à chaque circonstance, le "bon ton" souverain, maman lisait Femmes d'aujourd'hui et Le petit écho de la mode, je les dévorais.
Papa, lui, excellait au jeu d'échecs et au sacro-saint football, je détestais l'un et l'autre

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Le ver était-il dans la pomme ?

J'étais, cependant, un enfant grave, étranger aux jeux de la rue qui m'étaient interdits.
Seul, Marie-Émilie, ma cadette de 18 mois, étant élevée en France par notre grand'mère maternelle, ma vie se déroulait, papa et maman travaillant, entre le jardin d'enfants du lycée français et l'appartement du centre ville ; une bonne faisait la liaison entre les deux pôles de ma prime jeunesse.
En ma solitude à la maison, je résistais au bain de sirop où je risquais de me confire en m'inventant des enfers : je m'infligeais, pieds nus, quelques pas sur les carreaux surchauffés de la terrasse.
Et je lisais, précocement et beaucoup, je dessinais aussi, chaque chef oeuvre étant saluée par les exclamationns admiratives de la famille.

Voici quelques clichés fixant à un jamais réduit à la durée des photographies de famille, les débuts de cette prime enfance dont le retour en France, à l'âge de sept ans, âge dit "de raison", serait le point final.
Je savais (déja) poser avec complaisance et ce chien oublié est le précurseur de mon vieux Donuts d'aujourd'hui, cependant, j'ai définitivement abandonné le port de la barboteuse en imprimé "liberty"

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Des fleurs, des oignons et du riz

Je ne devais déjà pas connaître le repos mental, tout m'interrogeait, et j'interrogeais en vain les adultes pris au dépourvu.

Les fleurs étaient pour moi une énigme, à quoi était dûe l'étrange douceur de leur texture ? Je les comparais à ma peau, tout a été créé par Dieu, n'est-ce pas ? Comment donc établir le lien entre ce dont j'étais fait et ce qui faisait les pétales?
La cohérence du monde à laquelle mon jeune entendement sans doute aspirait ne pouvait s'expliquer le lien qui liait tout l'existant. A mon grand désarroi

Un jour, Juanita préparant le dîner épluchait des oignons, le même questionnement s'imposait, heureusement papa était là :
-Papa, un oignon est-il vivant ?
-Oui, mon fils, comme toi, comme tout, l'oignon est fait de matière vivante
-Alors, papa, j'aurais pu être un oignon ?
-Ben, Enriquin, euh... c'est que... Ben non.. enfin, tu vois bien que tu es un petit garçon.
Encore heureux, lors de ma prière du soir, je remerciai le Petit Jésus de ne m'avoir pas fait oignon compte tenu du sort que la bonne leur fait subir...

Je n'aimais pas le riz (guère encore aujourd'hui)
Maman, je n'aime pas le riz
Henri, mon chéri, tu dois apprendre à manger tout ce que maman te donne
Ce n'est pas bon...
Mais si, force-toi, tu finiras par aimer
Mais maman, quand je serai au paradis, je mangerai du riz ?
Tu sais bien, Henri, qu'au Paradis on ne se nourrit pas de ce qui est sur terre mais de choses délicieuses dont on ne peut avoir idée.
Jamais de riz, maman ?
Jamais.
Le riz, ce futur fruit défendu, me parut ce jour-là succulent.

Un zingue, dans une poignée d'heures, me ramène au madrid de mon enfance...

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Commentaires
H
Toujours la même émotion à lire "tes billets" cher Henri-Pierre...il y a ce que tu écris et ce qui au loin traverse le champ de mots, d'images...et puis "Henriette"...je t'embrasse fort
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H
Ma fidèle, merci de tes mots doux et sois sûre que, même oignon, pour toi j'aurais eu un faible <br /> <br /> T'embrasse
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J
j'avais mis des mots, envolés..<br /> <br /> je te redis la tendresse que m'inspire ton texte <br /> <br /> devant toutes ces petites choses que veulent nous faire croire nos chers parents.<br /> <br /> et je ris devant ta prière du soir<br /> <br /> heureuse que tu ne sois pas un oignon<br /> <br /> mais cet homme que j'aime bien.<br /> <br /> t'embrasse
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H
Belle notation à propos de l‘enfance et, par ailleurs, le précédent « glas de l'avril » était aussi très beau, cher Henri-Pierre. Bonne semaine au loin qui, pour vous, reste toujours proche.
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H
Je pense que tu as bien fait de renoncer à la barboteuse.<br /> <br /> Belle et douce évocation de l’enfance, cher ami. (Je note mentalement de ne plus te faire de riz quand tu viendras dîner.)
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