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Le blog de HP
15 août 2015

Passés vivants, futurs incertains.

Étang au plus bas, pelouses brûlées mais roses remontantes d'autant plus éclatantes que la sécheresse a étiolé l'écrin vert des feuillages, Charmes vit, à l'unisson du pays, un bel été, un vrai été.

 

10 août 2015 (4)

La Haute-Marne est, dit-on, le département le plus boisé de France ; en ces confins orientaux d'une Champagne qui déjà s'apprête à flirter avec les Vosges, la forêt n'est jamais loin.
Charmes en l'Angle de par sa situation à l'angle d'une forêt où abondent les charmes lui doit d'ailleurs son nom, et la couronne de verdure qui somme les reliefs qui l'encadrent maintiennent toujours comme un air de fraîcheur démenti par l'aridité du sol d'une saison qui dit enfin son nom. Massifs de fleurs et planches du jardin potager ne vivent, au demeurant, qu'à grands renforts d'eau.
Les nymphéas, eux, peu accoutumés à ces fortes chaleurs précoces, ont jugé bon de ne pas remonter en surface et, pour la première fois depuis que nous habitons la maison, leurs corolles ne sont pas venues enchanter le miroir liquide.
Les chiens désertent les extérieurs mais aussi les tapis ou parquets de la maison et s'endorment lourdement sur le dallage du vestibule.
Mais la mi-août, date-essieu de la roue du temps qui tourne, où selon le dicton "tout bascule" approche et, déjà, les ombres s'allongent annonçant l'arrière-saison ; l'enfant du soleil que je suis savoure d'autant plus le bonheur de ces températures que la conscience de l'impermanence des choses me fait goûter, chemises polos à manches courtes et spartiates aux pieds ce parfait accord avec la Nature.
Carpe diem quam minimum credula postero...

 12 août 2015 (7)12 août 2015 (2)

IMG_3939

La Haute-Marne est l'un des rares départements français qui continue à se dépeupler, l'activité métallurgique à son apogée au milieu du XIXe siècle disparut brutalement lorsque minerai et eaux-vives transportèrent plus au Nord le "coeur d'acier" du pays.
A Charmes en l'Angle, maison de maître de forges, l'activité disparut en 1876, la population était alors de plus de cent-cinquante habitants, il n'y en a plus que dix à présent...
A un jet de pierre de chez nous, vivotant dans la nostalgie de ce glorieux passé, Dommartin le Franc a muséifié son activité éteinte en un site  fort pédagogique mais malencontreusement nommé, peste soit du colonialisme de la langue anglaise, Metallurgic Park.
Les berges de la Blaise dépouillées des bâtiments industriels qui rythmaient son cours témoignent de la disparition des forges qui essaimèrent dans toutes les capitales de la Mittleuropa et des lointaines Amériques, statues, fontaines et réverbères.
Un semblant d'activité fut maintenu grâce à la fabrication d'accessoires de couture en plumes dont l'industrieuse et peu coûteuse main d'oeuvre Chinoise eût bien vite raison.
La population recensée à quatre-cents habitants en 1793 culmina à cinq-cent-quatre-vingt-cinq en 1881 pour ne plus atteindre actuellement qu'un peu plus de deux-cents âmes.

09 août 2015 (4)

Entretenant les regrets d'un "bon vieux temps" idéalisé face à un présent baignant dans la désespérance, les gens du gros bourg où les grandes surfaces et le marasme économique ont eu raison des commerces et des lieux de sociabilité, organisent leur vie sociale autour des événements familiaux tels que mariages et anniversaires par exemple.
Les vide-greniers annuels entretiennent aussi un semblant d'effervescence autour des épaves d'un passé dont témoignent tristement les maisons vides de plus en plus nombreuses et où, derrière les fenêtres aux carreaux souvent brisés, les rideaux n'en finissent plus de s'effilocher.
Les messes, généralement  au rythme d'une par an compte tenu de la pénurie de prêtres, sont surtout prétexte à rassemblements et les avant et après-office rendent le parvis bruissant de potins plus ou moins bienveillants qui n'épargneront, relativement, que l'avisé clabaudeur dernier à quitter le théâtre des réputations malmenées.

Justement, en ce chaud samedi d'août, nous voici conviés à la fête d'anniversaire d'un ami Dommartinois, la salle communale illuminée rassemble plusieurs générations de famille et d'amis ; environ soixante-dix personnes font bombance avec l'heureuse et roborative franchise en usage encore dans les campagnes épargnées par les précautionneuses retenues des hygiénistes citadins.
Entre vieilles rengaines françaises, valses, tangos et autre paso-dobles, l'orchestre perpétue les parfums désuets des bals de campagne d'antan, je me sens projeté à des années lumières d'ici lorsque, enfant, je berçais mon regard aux tourbillons des vastes jupes de l'époque. Les enfants habillés comme "en ville" ou plus exactement comme à la télévision, affectent des airs lointains et ennuyés, ils renient la trivialité de leur humus natal si éloigné des brillances dispensées par les médias, l'âge tendre n'est pas encore aux nostalgies.
Cependant, l'heure de la remise des présents a sonné et la même tendresse intemporelle rétablit avec la toujours vive émotion partagée, le lien entre les générations.

 09 août 2015 (13)09 août 2015 (20)

09 août 2015 (15)

Je quitte la salle et me plonge au coeur de la bourgade, l'air tiède et le halo des réverbères confèrent poésie et magie à ces rues d'une France des terroirs qui pour s'être crue éternelle assiste stupéfaite et désemparée à sa lente agonie.
Les rythmes assourdis de la fête se mêlent au clapotis de la fontaine nouvellement installée au coeur du village, cet exemple de production d'un mobilier urbain traditionnel perpétué par quelques rares forges est dans sa solidité intangible comme un défi désespéré aux temps qui changent, comme l'affirmation d'une identité régionale qui sans horizon visible jalonne d'étendards la route improbable vers un avenir incertain.
La foi n'a pas besoin de raisons.

 09 août 2015 (9)

09 août 2015 (11)09 août 2015 (12)

Le lendemain, glorieux, l'herbe du jardin jaunit encore sous l'assaut des rayons brûlants et les feuilles des arbres disent leur soif en teintes d'automne déjà annoncé.
Quelques petites semaines encore et je sais que je pourrai dire et confier à ma mémoire :"ce fut un bel été"

12 août 2015 (6)

 

 

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Commentaires
H
@ Marie : Il est des liens non-visibles qui sont plus forts que les rencontres qui n'ont pas eu lieu
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M
..... donnez moi un peu d'espoir, j'ai tant de peine
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H
@ Marie : Vous qui passez sans me voir...
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M
A un jet d'Henri-Pierre, le lancer de poids a dû être différé .... ouverture du vendredi au dimanche. Quant au futur incertain, Brachay verra du monde et ce ne sera pas pour te ravir. :-(
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H
@ Eva : Ta modestie t'égare mon amie, tes photos et tes textes sont des portes ouvertes sur réflexion et poésie ; en toute beauté.
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