Adieu de promesses. Peut-être...
La touffeur s'est emparée de juin après des débuts dans la continuité de l'humide fraîcheur de mai.
Juin se déclare en retard,au cinquième jour de sa course et c'est sans regret que nous disons adieu à mai.
Pourtant, quelques parenthèses de ciel bleu ont ponctué les inclémences maussades nous laissant entrevoir des promesses auxquelles nous ne demandons qu'à croire ; ainsi un soir, le ciel encore mouillé s'empourpra d'un soleil déclinant qui farda d'un rose presque irréel la façade de la vieille maison. Instant de grâce.
Toutes d'élégance discrète, les fragrances si particulières des pivoines s'insinuent dans l'atmosphère du salon et, presque timidement, mais résolument, embaument la vaste pièce s'imposant tout en douceur dans une prise de possession consentie.
Il n'y aura pas de deuxième bouquet, la lourdeur des têtes gorgées des fureurs liquides des pluies revenues fairont piteusement ployer la longue tige des fleurs abîmant leur superbe en une marcescence pathétique auréolée des pétales perdus.
Une éclaircie plus loin, et après un vigoureux ménage imposé par six mois de fermeture hivernale, je rends à la vie le pavillon des T.
En cette fin d'après-midi, venus d'un occident empourpré, les rayons rasants d'un soleil aux deux tiers de sa course envahissent l'intérieur de la petite thébaïde rouge et noire au faux exotime d'un kitsch voulu et assumé. Les coquelicots de soie montent leur incarnat d'un ton pour affirmer leur indépendance devant l'éclat de sang des murs, dans la deuxième petite pièce les projecteurs célestent projettent sur le noir profond de la paroi les ombres plus chinoises que jamais des vieux rideaux aux broderies à motifs troubadour exécutées au point Richelieu au mitant du dix-neuvième siècle par une aïeule dont le nom ne me revient pas pour l'heure et qui serait, je présume, fort surprise de voir les lieux auxquels ont été affectés ses chefs d'oeuvre de patience.
Charmes tient à remercier les chers neveux Marieke et Dominique d'avoir voulu pour cadre du baptême de leur petite Élisa notre petit village, secouant ainsi sa torpeur ; flatté, le ciel de ces confins de la Champagne nous a gratifié d'une magnique journée.
Ce symbole de nouvelle naissance, lourd de promesses, s'est déroulé le vingt-troisième jour du mois dans la petite église ouverte si rarement en dehors de la messe annuelle.
Je laisse aux parents la fierté de vous présenter la délicieuse enfant entrée de rose vêtue dans l'église.
Selon le nouvel usage, la nouvelle chrétienne sortira du temple revêtue de la traditionnelle robe de baptême blanche transmise de génération en génération.
Au seuil de l'édifice, Bruno le prêtre qui dessert la paroisse accueille l'enfant et ses parents ainsi que le parrain et la marraine.
Notre curé, et néanmoins ami, s'acquittera de son rôle avec les paroles d'une simple évidence qui sont la marque de ses discours.
Dès le matin, la table toute de rose et d'argent avait été dressée et avant que les participants ne viennent en altérer le délicat ordonnancement, je l'immortalisai profitant d'un moment d'accalmie.
D'ailleurs, se succédant à un rythme régulier les invités commençaient à déposer leurs bagages dans le vestibule avant d'aller parfaire leur apparence dans les chambres qui leur étaient attribuées.
Pour le retour nous avons pris le chemin des écoliers afin de regagner la maison ; le temps s'y prêtait, les heures semblaient suspendues et, dolentes, les vaches du pré aux veaux qui longe la montée vers la forêt, ruminaient lentement, consciencieusement, alanguies sur l'herbe, leurs yeux si doux perdus dans une quiète béatitude, comme si elles aussi voulaient, à leur manière, participer à la promesse de paix de ce jour de début de départ dans une nouvelle vie.
Pluies et vents ont fait ployer la branche du rosier agrippé au mur du porche des communs, alourdie il est vrai par l'imprévoyance de Madame et Monsieur Oiseau qui sont allés bâtir leur nid sur la fragilité de ce support ; j'approche à pas de loup et regarde les oisillons, guère effarouchés, priant toutes les déités du monde que l'impétueux Chitan, si doux avec les humains et si impitoyable envers les animaux, ne s'avise de la présence des minuscules réfugiés, contraignant ainsi Dame Nature à ne pas tenir ses promesses
Commence alors une série de précautionneuses visites qui nous permettent de voir progresser les velléités d'indépendance de la fratrie et sommes heureux de les voir parfois perchés sur la branche au bord du nid, se disant que chaque jour qui passe est une étape de plus dans leur probabilité de vie, vous pouvez, chers lecteurs, être témoins de la progression par un simple clic sur l'image, ne craignez rien votre souris ne les effraiera pas.
Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu'à ce que mon braque à qui on ne la fait pas s'aperçoive de ces ténues petites vies et, d'un bond inexorable agite brutalement le cocotier, pardon le rosier.
Je ne fus pas témoin de la scène mais Charles oui qui me narra que, la peur leur ayant donné des ailes, c'est le cas de le dire, les minuscules volatiles s'égaillèrent dans l'air vers de nouvelles aventures commencées plus tôt que prévues, ivres de libertés nouvelles et soumises à la menace de tant et tant de dangers.
Le nid est désormais vide...