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Le blog de HP
5 avril 2014

Paris-Louvre, errances

Paris en ce mitan du mois de mars souriait sous le soleil prometteur des débuts de printemps ; pas de cours, aucune propension aux lectures ou aux études, la rue est là, la ville m'appelle, je cède et pars vers le musée du Louvre où des deux expositions, sans tapage ni feux d'artifice publicitaire, me garantissent la proximité intime avec les oeuvres regroupées dans un esprit bien loin de celui des "grandes expositions" vers lesquelles convergent les moutonpanurgiens de la culture.
Bon, comme disait Jeanne d'Arc lors de son procès, et les minutes l'attestent, "Passons outre", et revenons à nos moutons (tiens, Jeanne la sainte bergère) en l'occurence aux deux affiches de notre musée national.
Je ne saurai trop recommander la visite de ces deux manifestations "nourrissantes" et concentrées, réglées à la mesure de ce que peut intégrer un esprit avant la satiété.
Le trésor d'Agaune riche de pièces d'orfèvrerie mérovingiennes et carlovingiennes ainsi que de tailles et de manuscrits couvrant tout le moyen-âge témoigne de la préoccupation essentiellement mystique de cette longue période avant que les temps modernes ne ramènent l'art à des dimensions plus près de l'homme. il m'est impossible, tant est dense et pregnant le contenu de cette exposition, de faire en mon esprit le vide nécessaire pour aborder un autre thème et je finirai l'après-midi en déambulant au petit bonheur la chance dans les salles qui s'offrent au hasard de mon parcours erratique.
Le lendemain je ferai de même après la visite de l'extraordinaire exposition consacrée aux plafonds peints du XVIIe siècle. A propos, connaissiez-vous le maître des demi-plafonds ? Moi non, mais je ne peux plus en dire autant.

 

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Grand marcheur devant l'Éternel je vais, le nez au vent et l'oeil inquisiteur, d'un bon pas, de mon troisième arrondissement vers le Palais, théâtre de la puissance et puis de la déchéance de nos dynasties royales.
Aucun itinéraire pré-établi n'organise mes pas, dénué de tout sens de l'orientation je me perds invariablement et me donne mentalement des claques rageuses tout aussi invariablement ; cependant l'avantage de ces désordres est de parer l'habituel des couleurs de l'inattendu.
Pour preuve, l'éblouissement inopiné, au débouché d'un passage couvert aux commerces assoupis, du numéro 2 de la place du Caire. L'immeuble édifié en 1828 par l'architecte Berthier et orné des sculptures de Joseph Garraud surprend toujours par la verve de son langage aux accents exotiques où l'Egypte antique le dispute étrangement à des arcatures vénitiennes. L'édifice n'a guère changé depuis nous dit l'objectif de l'immense Eugène Atget en 1903.
Il serait intéressant de "réinventer" ce photographe Libournais exceptionnel et foisonnant qui a immortalisé les coins les plus secrets de la capitale dont beaucoup disparus depuis.

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En approchant de la place de la Bourse de lourdes chutes de fleurs dégringolent des culs-de-lampe des consoles apposées sur l'appareil faussement rustique et aux vigoureux refends de cette belle façade expression d'une Troisième République à son apogée.
Brongniart aurait-il un jour pensé que le temple de la finance construit pour défier les siècles serait un jour vidé de son sens premier par la fulgurante ascension des données circulant "en temps réel" sur les réseaux informatiques ? Ce volatile goguenard juché avec impertinence sur la tête d'une des allégories, Commerce ou Industrie, divinités des temps nouveaux serait-il l'âme revancharde d'un des nombreux pigeons plumés par l'inexorable corbeille ? De légers nuages balaient le ciel lentement et inexorablement comme le rappel de l'impermanence de tout.
Exemple, je pense unique, d'une artère de l'époque révolutionnaire la rue des Colonnes fut commencée par Nicolas vestier en 1794 sur un terrain acquis en 1792 par Jean-Baptiste Saint-Jean ; la condamnation à mort de l'affairiste troubla quelque peu la progression des travaux qui s'étaleront jusqu'en 1797 après de nombreuses vicissitudes et sous la houlette d'autres architectes. Cette rue, coupée depuis par la rue de la Bourse en 1826 et du Dix-Décembre en 1864 aura tout de même servi de modèle à l'illustrissime rue de Rivoli.

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Nous voici enfin au Louvre où, comme dit plus haut, entre deux expositions je parcours sans fil conducteur les salles.
Je ne manque pas de saluer le tombeau de Philippe Pot, Grand Sénéchal de Bourgogne que celui-ci fit ériger de son vivant entre 1477 et 1483.
Le monument destiné à Citeaux fut déclaré bien national en 1791 et finit un cycle interminable de pérégrinations au musée parisien qui l'acheta dans les années 1880, souhaitons-lui d'y trouver le repos le plus éternel possible convaincus que nous sommes du fameux "quam minimum credula postero".
L'oeuvre fut longtemps attribuée à l'illustre "ymagier" Antoine Le Moiturier mais retourna à l'anonymat, le "peu de soin" apporté à l'exécution n'étant pas digne du grand maître ; je n'entrerai pas dans les querelles d'initiés, cette sculpture m'a toujours fasciné et mon goût n'étant pas assez raffiné pour déceler des maladresses là où je ne perçois que maîtrise des volumes au détriment de la complaisance dans les détails, elle reste pour moi emblématique d'une  fin de Moyen-Âge épris d'abstraction spirituelle au milieu des convulsions de l'époque.
Les huit deuillants encapuchonnés portent la dalle où repose l'homme d'armes et de pouvoir au visage régulier et serein, le lion du courage s'adoucit à ses pieds en chien fidèle comme pour prôner la vanité de la guerre et de ses fureurs meurtrières. Tout respire le calme, la quiétude et la sérénité, comme les visages concentrés des encapuchonnés que je peux saisir en m'allongeant au sol ; les salles seulement peuplées d'apprentis dessinateurs offrent la tranquillité nécessaire pour se livrer à cet exercice sans peur du ridicule.
Je m'attarde sur les mains jointes du gisant si vraies et si vivantes, les veines saillantes et les rides des articulations des mains sont celles d'un homme mûr et les ongles parfaitement entretenus contredisent le lieu commun du manque d'hygiène de cette époque.

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Animé par ma passion pour l'histoire du costume je m'attarde longuement sur cette autre statue funéraire de Jeanne de Vivonne (1515-1583), ce beau marbre fut longtemps attribué à Germain Pilon et fut érigé dans l'église des religieuses de l'Ave Maria à Paris pour devenir ensuite, lui aussi, une saisie révolutionnaire avant que d'intégrer, vers 1900, le Louvre.
Tous les détails vestimentaires de l'orante sont traités avec soin et de tourner autour avec attention est une véritable leçon sur le costume féminin de la fin du XVIe siècle, le busc rigide finit en pointe là où la jupe s'étale sur la vertugade qui ne finira de gagner en ampleur jusqu'à ce que, sous Louis XIII elle ne disparaisse devant l'adoption d'une nouvelle silhouette verticale. Pour ceux qui se demandent quelle était la dose d'empois requise pour assurer la rigidité de la fraise nous les engagerons simplement à fixer leur attention sur le col montant et rigide qui maintenait ladite parure.
Étrange survivance de modes plus anciennes le chaperon finit à l'arrière en une longue bande tombante tout comme à l'extrême fin du XVe siècle, de la talle pend un patenôtre, accessoire indispensable pour toute dame vertueuse comme il se doit.

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La statuaire de la période pré-révolutionnaire est un véritable voyage en pays de crêpage de chignons ; il m'arrive, muni de mon laisser-passer, d'emprunter l'escalator du musée pour uniquement aller saluer la délicieuse Nathalie de Laborde dont les traits étaient encore enfantins, la mignonne avait quinze ans en 1789, lorsque Pajou les immortalisa. L'adorable fille du financier Catalan, de par son mariage Comtesse de Noailles et puis Duchesse de Mouchy, est citée avec tendresse dans les Mémoires d'une femme de cinquante ans de la Marquise de la Tour du Pin qui avait le même âge et fut son amie pour le plus grand bonheur de la sensible Nathalie dont on voulut bien de la fortune du père mais qui était quelque peu boudée par la haute noblesse car non "née".
Nathalie ne naquit pas sous une bonne étoile, son mari émigré à Londres la délaissa, une passion orageuse et passionnée avec Châteaubriand de 1805 à 1812 altéra sa raison qui bascula totalement lors des Cent Jours. Elle fut internée les vingt dernières années de sa vie.
Je me retourne encore sur les charmantes boucles bien plus naturelles que celles de la dame qui se profile avec son "hérisson" de la décennie précédente.
Je n'aime pas beaucoup le somptueux buste de Marie-Antoinette par Boizot exécuté en 1781 alors que la Reine venait enfin de mettre au monde un héritier ; le sculpteur a voulu représenter le modèle en majesté au zénith de sa puissance, elle me paraît quelque peu froide et hautaine, dédaigneuse même, alors, après que ma demande d'un de ces sourires si gracieux rapportés par les témoins de l'époque ne soit suivie d'aucun effet, je contourne la belle pour m'abîmer dans la grâce mouvante de son "chignon flottant".

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Une visite au Louvre est aussi un excellent observatoire pour certains des comportements de l'espèce humaine, prenez par exemple le fameux faune Barberini à l'abandon voluptueux où la sensualité frôle les rivages de l'obscène ; eh bien observez les visiteurs, hommes ou femmes passent avec un regard en coin l'air de rien, de ne pas y toucher, hésitent, reviennent sur leur pas avec un nouveau regard oblique et seuls les collégiens en bandes l'affrontent en riant, le quolibet étant le masque de l'intérêt. Pour moi je me poste en face à chaque fois et le regarde, bravache et quelque peu provocateur ; je photographie y compris des détails que je ne vous livrerai pas ici, je ne voudrais pour rien au monde que ces modestes lignes aillent s'enterrer dans l'enfer de vos prudes sensibilités.
Connaissez-vous Constance Meyer ? Elle fut élève de Proudhon qui, marié, entretenait une liaison secrète avec elle, ils peignaient aussi de concert...
Les oeuvres de la jolie Constance baignent dans une nostalgie vaporeuse des plus romantiques, elle n'était pas convaincante en peignant une "mère heureuse" mais bouleversante dans ses représentations de sujets tristes. Ce "Rêve d'amour" finira sa course fatale dans l'obscurité du néant.
En 1821 Constance demanda à son maître s'il l'épouserait en cas de veuvage, la réponse fut négative et Constance, sans barguigner, se trancha la gorge avec le rasoir de son amant.

19 mars 2014 (33)Rêve de bonheur Constance_Mayer

 

 

 

 

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Commentaires
H
@ Tietie : Bon, chacun ses préférences, et ça vaut en matière de musées aussi, j'apprécie bien sûr la National mais j'avoue que d'entrer au Louvre ad libitum grâce à la carte de sociétaire me rend le lieu plus quotidien et, pourtant, je découvre à chaque fois, je suis toujours surpris et fais le plein de beauté et de bonheur.<br /> <br /> J'aime aussi beaucoup le musée Gustave Moreau et le mettrai en symétrie avec le musée Sorolla de Madrid, dont je parlais ici il y a deux ans je crois.<br /> <br /> En fait, pour qui a les yeux et l'esprit ouvert tout lieu donne satisfaction.<br /> <br /> Merci de votre visite.
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T
J'aime beaucoup le Louvre, même si ce n'est pas mon musée préféré, appréciant le National Gallery de Londres. J'aime beaucoup aussi le musée Gustave Moreau, à Paris, moins connu.
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H
@ Laura : Si tu te voyais avec les yeux des autres et non avec les tiens tu n'aurais aucune raison d'être jalouse :)
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L
Jalouse de n'être pas parisienne.<br /> <br /> Jalouse de n'avoir pas ton écriture somptueuse.<br /> <br /> Jalouse de ne pas photographier aussi bien que toi.<br /> <br /> … Tout simplement.<br /> <br /> Je t'embrasse tout plein pour cette merveilleuse balade.
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H
@ Marie : Saucisson d'Agaune ? Je ne connaissais pas, donc pour l'ignorant que je suis ce doit être un saucisson d'âne :P
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