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Le blog de HP
1 novembre 2012

Soleils mouillés

Marrakech bascule.
Après les chaleurs, nous dit-on étouffantes, qui ont précédé notre arrivée, le ciel filtre ses ardeurs de voiles impalpables. Il fait toujours chaud mais une diffuse menace s'est emparée de la vieille ville encore déserte en cette matinée de fête de l'Aïd el Kébir. L'hécatombe imminente des moutons s'accompagne de la mort programmée d'un été attardé.

29 oct 2012

La ville rouge sommeille encore dans l'illusion d'un été inaltérable lorsque ce matin-là, très tôt, nous prenons la route vers Essaouira.
A mi-chemin, après la halte de thé et de galettes au miel de Chichaoua, sans crier gare, le ciel soudain s'obscurcit et, avec une violence inouïe des trombes d'eau nous volent le paysage des collines peuplées d'arganiers.
L'arrivée dans la ville océane, où la chaussée inondée essaie de rendre aux nues l'eau reçue en giclures crissantes sous les roues, se présente comme la célébration, dans un monde amphibie, des noces du ciel et de la terre dans la plus totale confusion des éléments.

 30 oct 2012 (7)

Arrivée retardée par une avancée difficile, nous nous installons directement dans notre habituel restaurant de poissons où la véranda qui surplombe la mer est close, bien heureusement, car, soulevée par des rafales coléreuses, la houle se heurte contre les vitres calfeutrées au gré d'un vent contre lequel luttent avec obstination les quelques goélands suffisamment téméraires pour se risquer à un envol ; tout le déjeuner sera rythmé par les attaques furieuses, et je dois dire que cette vision insolite d'un Maroc si peu conforme à sa réputation, est d'une intense beauté.
A la sortie, Whisky, le vieux chien de l'établissement, est sorti de son abri et, tout perlé de bruine, adresse un salut intérieur à la rémission qui nous permettra de déambuler dans le port où se détache la silhouette de la sentinelle ailée scrutant le fatras secoué des bateaux tous à quai.

30 oct 2012 (5)30 oct 2012 (14)30 oct 2012 (6)

Aucun bateau n'a pris la mer, les sardiniers lestés d'eau attendent des temps plus cléments.
Illusion trompeuse, peut-être pour freiner l'impatience des fendeurs de vagues, le sol détrempé offre à leur inactivité forcée le miroir de leurs rêves de traversées heurtés au rempart de la tempête.
De temps en temps la touche d'un bleu fugitif farde le ciel d'une touche de gaîté, mais les nuages bas poussés par l'obstination des souffles ont vite fait de rendre au gris sa souveraineté incontestée.
Les mailles des filets sagement rangés et lestés n'emprisonneront pas de quelques temps les victimes de leurs rapines.

30 oct 2012 (12)

30 oct 2012 (11)30 oct 2012 (13)

Habituellement  les lieux fourmillent de gens qui vivent de la pêche et de touristes, les pêcheurs reprisent les filets des retours en vue de nouveaux départs, les poissons fraîchement débarqués scintillent sur le sol où ils sont triés et vendus, à la fièvre des arrivées chargées de la manne marine répond celle des partances prometteuses, les petits restaurants embaument l'atmosphère et les chantiers navals où sont construits encore à la main, pour combien de temps encore ?, les boutres hauturiers, retentissent des bruits de scies et de maillets rythmés par les clameurs des ouvriers.
On a du mal, dans cette désolation à la Chirico d'imaginer le kaléïdoscope de mouvements et de couleurs, et c'est un bonheur soudain que d'apercevoir un témoignage d'activité humaine avec ce téméraire botté dont le harnachement ne met aucun obstacle à son agilité.
Les chantiers aux planches luisantes gorgées d'eau restent, eux, désespérément vides. seules les alternances mouvantes d'ombres et de lumières donnent de la vie aux coques colorées.

30 oct 2012 (15)30 oct 2012 (18)30 oct 2012 (24)

Au revoir Essaouira, tes ruelles rectilignes attendront des jours plus cléments pour que nous y risquions nos pas et nous profitons de la fragilité de l'accalmie pour reprendre la route.
A la sortie de la ville nous ne manquons pas de rendre visite à notre habituelle coopérative féminine d'huile d'argan, nous aimons ce lieu qui donne aux femmes nécessiteuses ou accidentées de la vie une chance d'insertion ; si les chiens de la terrasse font semblant de paraître menaçants, l'ouvroir, où se répètent les gestes immémoriaux de la transformation des noix en huile de base pour les produits cosmétiques ou alimentaires, est le théâtre des sourires chaleureux de Khadouj ou d'Aziza.
Les postures et les tenues colorées des ouvrières nous disent le Maroc éternel de Delacroix.

30 oct 2012 (26)30 oct 2012 (29)30 oct 2012 (27)

En approchant de Marrakech, la terre gorgée luit sous les rayons sulfureux qui filtrent à travers les lourds nuages. L'instant est beau, goûtons-le de tous nos yeux, le déchaînement des éléments ne saurait se faire attendre.
Le tambourin des mille doigts liquides sur la tôle de l'automobile saluera effectivement notre entrée en la ville.

30 oct 2012 (30)

 

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Commentaires
H
@ Clairette : Merci de ta visite mon amie.
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C
"Le tambourin des mille doigts liquides sur la tôle de l'automobile" j'adore !
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H
Merci Eva
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E
oui, il y a toujours de la beauté, surtout avec toi...
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H
@ Eva : le comble est que moi, né en juillet, fils du soleil et de la chaleur, te fasse apprécier la pluie... Mais il n'en reste pas moins que quand on sait regarder, sans regret ni désir impossible, il y a toujours de a beauté.
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