Souhaits immenses
C'est parce que je vous souhaite le meilleur que je ne vous veux ni repos, ni quiétude.
Je vous souhaite des rêves trop grands pour vous parce que l'ajusté, pas plus que l'étriqué, ne vous siéent.
Je vous voudrais la conscience des gouffres de nos ignorances afin que votre vie ne soit que quête et conquête, pour que la voie des aspérités polisse votre entendement.
Je voudrais qu'aucune injure, aucune souffrance n'altère votre tolérance afin de préserver intact le don de l'allégresse des pardons.
Que le laid du monde nous garde nos colères et nos indignations afin que notre aspiration au Bien reste une lutte salutaire, rédemptrice.
Pour ne pas désespérer de l'homme.
Que l'immensité changeante des cieux soit à l'image de nos luttes et de nos défaites, de nos élans et de nos victoires.
Enfant, l'un de mes premiers livres, ce Babar, me donna, et pour la vie, l'amour du ciel ; l'image dans laquelle je m'abîmais des heures entières dans une rêverie à laquelle je craignais toujours que l'autorité parentale ne vînt me distraire fut ma première rencontre avec l'immense, l'apesanteur, le rêve et l'évasion. Tout ce qui semble hors de portée d'un petit garçon citadin.
Que la contemplation des horizons sans limites, fantasmés, recréés ou rencontrés nous rendent notre âme d'enfance et la faim de tous les impossibles.
Il est des nuées annonciatrices d'orages ou de tourmentes semblables aux pressentiments des vicissitudes qui ne manqueront pas de s'abattre sur nous, de bousculer nos vies ; sachons dans ce cas voir la trouée lumineuse qui, si elle n'est pas encore visible, ne manquera pas de se montrer.
Des dragons d'or se livrent tournoi dans la lice sans limite du ciel ? Pour aussi terribles qu'ils soient, la voûte céleste ne nous tombera pas sur la tête, les angoisses et les terreurs se dissiperont et chaque lutte remportée sur les sorts aveugles nous forgera de nouvelles forces.
Cieux des absences, cieux des départs, (ne dit-on pas qu'au terme de notre trajectoire terrestre on "monte au ciel"?).
Lever les yeux, là où vécut un être aimé, nous gratifie d'un sourire lorsque une fleur de début du printemps nous parle d'elle ; l'arc-en-ciel du chemin vers sa dernière demeure est le point de convergence où le chagrin qui met l'âme à nu espère voir en la lumière impalpable et diaprée comme une subtile caresse qui nous dit, malgré tout, sa présence. Ailleurs.
Les nuages du premier Noël sans elle avaient la même ténuité lumineuse que l'année précédente...
On dit que les nuages, balayés par les vents, passent vite et, pourtant, dans leurs dessins, leurs départs et leurs retours ils apparaîssent immuables et constants, comme pour mieux souligner la fragilité éphémère de nos vies.
"Monter au ciel" disions-nous, ainsi, dans cette aspiration vers le haut, vers l'idéal et le sublime, l'homme, bâtisseur de ziggourat, de temples ou de cathédrales a toujours érigé ses pierres en prières.
Les élans des clochers, y compris ceux de nos modestes campagnes, comme ceux des colonnes antiques éboulées et encore relevées, tout comme ceux des minarets qui défient les siècles clament cette volonté de croire.
La foi, ou leurs illusions, strient nos horizons de leurs verticales.
Les audaces et les défis prennent un goût d'éternité.
Improbable rencontre entre le haut et le bas, les ondes et les nuées s'embrassent en d'étranges noces où l'impalpable de l'air se mire dans le liquide.
Monde sans haut, monde sans bas, comme une image de jeu de cartes, le réfléchi échoue à se noyer sauvé par la lumière qui le renvoie d'où il vient. Si l'eau est étale l'illusion est parfaite, en revanche, une légère brise qui ridule l'onde dément la supercherie et, les mêmes lieux, lorsque la nuit tombe, nous offrent le spectacle d'une bouche d'ombre avalant le ciel.
Tout comme nos humeurs ou nos états d'âme nous font voir la vie en rose ou... d'une autre couleur.
Au choix de nos émotions.
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La palette des éléments, illuminant les cieux ou les striant d'ombres ou encore éclatant en lueurs aveuglantes composent des tableaux plus émouvants que ceux des peintres car tellement éphémères et si inattendus.
Que notre coeur soit peint en gris ou que le noir le hante, la contemplation de ces dons de la nature saura toujours nous procurer l'émerveillement qui rendra cet instant magique et radieux, enchassé comme une pierre précieuse dans l'anneau de nos afflictions.
Promesses en beauté de jours à venir plus cléments.
Soif d'ailleurs, de soleils et de cieux exotiques, comme si l'éloignement nous soustrayait à nous mêmes ; vivre en carte postale le plongeon de l'astre derrière l'horizon, magnifiant le béton en tours de Babel oniriques.
Se rendre compte aussi que le vide n'existe pas, que la rencontre de l'azur implacable et de l'or brûlant des dunes n'est pas un paysage déserté, le désert est plein, l'esprit l'habite et le parcourt sans entraves dépouillé de tout lien matériel.
Ailleurs, sur une mer qui pourrait être bretonne ou de Galicie, l'explosion des goélands en plein vol peuple l'espace de libertés sans entraves.
Ailleurs, ailleurs... Les ici de maintenant.
Pourquoi ne pas vivre ici nos ailleurs ?
Savoir à la fin d'une journée, après que les derniers rayons aient encore gratifié les nuages de luminescences quasi immatérielles, voir le ciel s'obscurcir et les lanternes hurler avec insolence leur victoire sur le jour.
S'abstenir de penser, une minute, oh, même une seconde, et, dans le soir qui tombe se sentir quasiment aériens, tendus vers nos aspirations malgré les racines qui nous relient encore à la terre, mais la tête dans les nuages, le corps abandonné aux caresses de la brise du soir, comme cet arbrisseau, comme un roseau pensant.
Animula, vagula, blandula...
Un pied déja sur l'embarcadère de l'année qui vient, je vous souhaite à tous ces cieux, tous ces contrastes, ces bonheurs et ces tourmentes. Je vous souhaite la vie, riche malgré tout, car pour qui sait y voir la vie est toujours riche. Tant qu'elle est là.