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Le blog de HP
14 juillet 2010

Papillons épinglés

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30 juin, 5 juillet, d'Alsace en Bavière et de Wurtemberg en Alsace encore, une boucle d'attendrissements et d'émerveillements, de découvertes aussi, et, surtout, rencontre avec un personnage que l'Histoire a bien mal compris, ainsi que moi au demeurant ; vous allez m'entendre si vous acceptez l'invitation à regarder à travers le kaléïdoscope de ma mémoire les impressions éparses de ce périple riche d'émotions déja nimbées de l'irréalité de cette exceptionnelle chaleur que j'aime tant.
Ne craignez rien, je ne vais pas dérouler un itinéraire touristique pas plus que je ne jouerai la corde de l'historien de l'art, c'est pour une divagation d'un regard avide que je vous sollicite.

Comment passer par Strasbourg sans s'octroyer le plaisir du salut au Tentateur du porche de la cathédrale à l'attitude avenante et qui, séduisant en diable, tend la pomme du péché faisant flancher la vertu des vierges folles qui n'ont cure de voir les crapauds et la vermine qui habitent son dos ? Je suis chaque fois heureux de constater l'affluence des regards sur la scène vibrante des célestes interdits, alors que les vierges sages qui leur font face restent superbement ignorées. Belle revanche des sens sur la morale étroite... mais je m'égare, je crains de détourner le message voué à l'édification du bon peuple.
Les effets de l'assuétude aux plaisirs de ce monde se manifestent aussi dans la rue et j'en veux pour preuve l'abandon de ce jeune intempérant adonné à Bacchus et qui cuve son penchant sur un banc public de la ville.
D'autres ont succombé qui veillent amoureusement sur le fruit de leur désir dans ce parc de la cossue Baden-Baden.

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Les rencontres inttendues, émouvantes ou insolites, cailloux blancs d'un Petit-Poucet observateur des riens si riches de la vie, s'égrennent sur la carte de l'aimer-voir.
Libellule diaprée, cette jeune fille en robe du soir d'un matin de Weingarten, s'abandonne sur la chaise de ce café, encore illuminée par cette soirée passée que ses rêves retiennent encore ; à Memmingen ces jeunes gourmandes savourent avec bonheur pâtisseries et fraîches boissons ; enfin, dans cette salle somptueuse du monastère d'Ottobeuren un orchestre de jeunes musiciens, de par la grâce du Mendelssohn qu'ils interprètent avec tout le coeur de leur jeune talent, nous font oublier la vulgarité tonitruante des vuvuzelas et autres débordements avinés des inconditionnels d'un football encore plein de promesses pour l'Allemagne.

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Extraits du monde dans l'univers névrotique de l'enfance, ces bambins inventent leurs jeux d'eaux, seuls ou en duo sur les multiples canaux de Freibourg ou de terre et d'air sur les vénérables remparts de Rickewihr.
Le monde a l'air de leur appartenir, peut-être tout simplement parce qu'ils se moquent du monde.

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Il serait prétentieux, après avoir lu Le croissant baroque de Dominique Fernandez, de vous infliger une vision circonstanciée de l'art de la Contre-Réforme, je ne veux ici dire que mon éblouissement devant le parfait équilibre de l'instabilité maîtrisée où l'art de l'architecte et celui de l'ornemaniste ou du peintre se jouent des lois de la gravité, où la pierre devient immatérielle et où un mouvement perpétuel entraîne la pesanteur des pierres ou des ors et des stucs dans une spirale ascendante de nuées vertigineuses. Ce défi de la Raison dit bien les désarrois d'une époque suffisamment intelligente pour donner corps à ses doutes et abolir la ligne droite de l'univoque pour les méandres des errements de l'entendement.
Telle église de Münich cache sous une apparente fantaisie rococo la rigueur de la superposition de l'architecture jésuite, ce Saint Sébastien d'Ottobeuren, criblé à l'excès de ses flèches d'or, masque sous l'élégance voluptueuse de son corps contorsionné l'émouvante soumission à la volonté de Dieu que révèle son regard, à condition de se donner la peine de le regarder, bien sûr. Le mariage de la pierre et des tuyaux font de cet orgue de Weingarten un hymne à la fusion des arts sous l'empire du plus subtil d'entre eux : la musique.

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Que dire qui n'ait déja été dit de la vertigineuse flèche gothique de la cathédrale d'Ulm, la plus altière qui soit du haut de ses 161,53 mètres ?
Pourquoi rajouter des lignes encore à celles qui, à juste titre, disent la beauté du rétable de Hans Baldung Grien que recèle la cathédrale de Freiburg-im-Breisgau ?
Je préfère rendre ici hommage à Meersburg, belle endormie des bords du lac de Constance dont j'ignorais même l'existence et qui m'a offert l'arabesque héraldique du col de ses cygnes se laissant bercer par les friselis de l'onde et, plus tard par la houle du seul orage essuyé de tout le voyage ; je voudrais dire aussi la pathétique tension de la piéta de son église et la sereine observance des traditions dominicales où une grande partie des fidèles se rend à l'office en costume régional, les femmes arborant une coiffe de dentelle d'or empesée en forme de tiare.
La mère et la fille, face au lac, pourraient nous amener à croire que Caspar David Friedrich promène encore son pinceau là où subsistent les couleurs du Romantisme.

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Aucune sympathie ne m'attirait jusqu'à présent vers le personnage de Louis II de Bavière, sa folie constructrice de pastiches puérils, son égotisme et son pillage des caisses de l'État m'irritaient fortement, son aveuglement pour Wagner me faisaient douter sérieusement de son intelligence. Immature et superficiel, tel était le verdict que me dictait ma méconnaissance.
Ludwig m'attendait en Bavière, et je l'ai rencontré.
Linderhof m'a surpris par les modestes proportions de ses intérieurs, les salons, cocons de tapisseries et de soieries douces comme des soupirs étouffés s'ouvrent sur l'écrin incongru d'une nature sauvage qui le renferme, qui l'enferme au monde extérieur ; la salle à manger à la table mécanique descendant vers l'office pour remonter chargée de mets est bouleversante parce que prévue pour une seule personne. Fastueuse solitude, somptueux étendard de la déréliction assumée jusqu'à l'orgueil le plus démesuré, l'orgueil des pauvres en amour, l'orgueil des impuissants à réaliser leur vie et qui se bâtissent un monde d'illusions lucides.
J'ai compris soudain le rêve du dernier romantique qui refusait la "vraie" vie parce qu'elle ne lui laissait aucune place, aucun rôle.
Le rococo lumineux des extérieurs de ce château de vieil enfant aux espoirs dormants s'abîme dans le labyrinthe aquatique d'une grotte poignante de factice où l'angelot de la proue de la gondole ne mène nulle part.
Charon, nocher désorienté, oublieux du chemin de l'Enfer, condamnant le royal incube à l'errance sans fin.

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Émergeant  de la roche et de la canopée, Neuschwanstein n'a rien d'un château historique et long est le chemin qui y mène par une rude pente parsemée de fleurs sauvages.
Autant le sévère Haut Koenigsbourg est la reconstitution scientifique d'un château féodal, autant le rêve médiéval de Ludwig se présente comme un traité du non-pouvoir ; l'esprit seigneurial se dérobe à l'entendement du non-initié et se magnifie dans la légende, les aigles des Allemagnes se dissolvent dans les songes et abandonnent la place à l'aristocratique nonchaloir des cygnes.
Tout est faux et tout est signe. Donc vrai.
D'une vérité autre, incompréhensible, et dans cette forteresse inachevée comme un rêve s'abîmant en cauchemar la vie "réelle" devait rattraper le pauvre monarque éperdu ; le papillon était enfin épinglé.
Dans ces objets volants je me plais à voir, comme une note d'espoir, un peu de l'âme de celui qui n'arriva jamais à s'élever au-dessus de la froide banalité.

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Ces cinq jours auront été pour des "raisons indépendantes de ma volonté" la seule escapade qui me sera possible cet été 2010. L'instable que je suis restera parisien sauf de courts week-ends à Charmes, il n'y aura pas de sitôt de fièvre des voyages.
Comme un papillon épinglé.

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Commentaires
H
@ marie : je ne me souviens plus exactement de la date, mais qui cherche... trouve ;-P<br /> <br /> @ Mitcha : Le nectar est butiné, le billet prêt en tête, mais je me débarrasse d'abord de mes obligations pour la prochaine rentrée .
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M
Le papillon est sérieusement épinglé ! Mais souhaitons, pas définitivement ! Quand va-t-il se décider à aller butiner quelque nectar pour nous régaler d'un nouveau petit post ? On attend... Fallait pas si bien nous habituer, na !
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M
Un souvenir ? Une recherche ... avant 2005
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H
@ Jeanne : Tendresse toujours bienvenue et partagée, mon amie.<br /> <br /> @ Jean-X : A quand les pas de conserve ? ou de concert... Bien sûr que je retournerai, inch'Allah, en Alsace. Ne serait-ce que pour certain tondeau de vitrail et certain rétable que tu connais.<br /> <br /> @ Marie : T'ai-je jamais parlé de mon sarcophage en cristal de papillons ? J'ai souvenir de l'avoir un jour "bloggé"
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M
"Sur les 600.000 spécimens que compte la collection, plus de 20 000 spécimens ont été mis en exposition au musée, pour offrir le spectacle des plus belles espèces". 20.000 papillons épinglés depuis 1912 ... C'est un spectacle qui m'a toujours fait pleurer !
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