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Le blog de HP
1 juin 2010

Florilège

Printemps promis par les services météorologiques, par la logique et par l'espoir.
Printemps différé après une brève parenthèse où les déjeuners dehors deviennent possibles. Mais pas pour longtemps.
Mais les fleurs s'en moquent qui, des plus modestes aux plus précieuses, nous offrent des pavanes aussi colorées que vaines car sans lendemain.

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Les coucous, perce-neiges et jonquilles ne sont plus que des souvenirs et il en est de même pour les pâquerettes et les violettes.

Violettes et primevères me ramènent à mon enfance ; quand, venant pour la première fois en France depuis  Madrid qui peut s'enorgueillir de m'avoir vu naître, je découvrais que les fleurs n'appartenanient pas seulement au domaine des parterres publics interdits et des vases à fleurs, je tombai tellement amoureux de ces délicates corolles que je les ingérai avec délices, dès lors leur seule vue me fait venir leur goût à la bouche en vrai réflexe pavlovien ; je dois dire que j'en croque encore, les yeux fermés pour voyager encore en ces faux edens de l'enfance ; depuis la mode s'est emparée de la pratique d'égayer ses salades vertes de capucines ou pétales de bourrache et avoue y avoir très volontiers souscrit.

Manger la beauté, digérer la délicatesse... Nous sommes tous des ogres.

D'autres espèces se sont attardées, mais, épuisées, nous tirent leur dernière révérence ; leur robe de cour est déja rouillée pour les lilas blancs et les tulipes du japon ont laissé la place aux jeunes lances vert tendre du feuillage qui a étouffé leur chute imminente.

25_avril_10__45_02_mai_10__5_Le lilas, comme le tilleul au demeurant, est le seul végétal de nos latitudes qui s'empare de l'atmosphère entière pour envelopper les lieux des vagues de ses fragrances que la moindre brise fait traîner plus loin que la vue.
S'il y a bien une fleur qui annonce le printemps c'est bien celle-là et Botticelli mériterait d'être enfermé aux enfers des musées pour avoir fait naître sa Vénus d'une coquille Saint-Jacques, à l'odeur plutôt douteuse entre nous,  plutôt que de la faire émerger d'une brassée de lilas. Tiens, il faudra que je pense à ré-écrire l'Histoire de l'Art...
Les corolles du tulipier du Japon sont également rattachées à la première maison que ma famille occupa en France dans le Sud-Ouest, il y avait bien un grand magnolia nivéen que l'inculte Claude François n'avait pas encore eu l'idée de mettre en champs dans la niaiserie de son chant, mais aussi ces deux petits arbres de la même famille, l'un rose et l'autre grenat, leur odeur capiteuse et opiacée ne voyage pas au-delà de leur stricte proximité et leur goût est intolérable en bouche.

La journée commence à Charmes avec des fleurs puisque deux orchidées phanélopsis se nourrissent des moiteurs de ma salle de bains, l'une a le coeur jaune et l'autre rouge carmin, un rouge profond comme un rouge à lèvres de femme fatale, l'épure de la hampe est chargé de fleurons hiératiques et inodores, murés avec obstination dans leur froide beauté sans aucun appel aux sens. ces orchidées-là sont des fleurs de l'esprit à l'esthétique hautaine et qui pour mourir se dessèchent en momies ténues sans s'abîmer en marcescences. Beauté implacable de la femme stérile qui enchante et ne donne rien.

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Les tulipes, inodores et héraldiques firent dans leur folle vanité sombrer bien des fortunes, certaines, en expiation, sont noires comme le péché, et attrayantes comme le péché aussi ; folles de luxe elles ont décidé de vivre plus longtemps dans un vase de salon que sur leur terre d'origine. Elles meurent comme des damnées, la tige contorsionnée dans un ultime appel à la lumière et les pétales choient piteusement dans des teintes sales bien loin de leur splendeur première.
Seules les pivoines et les roses savent mourir dans un aristocratique abandon de leur parure qui, s'il signe la disparition de la fleur, nous fait le présent d'un tapis encore éclatant de couleur.
Comme une grande dame qui peu à peu se dépouillerait de ses vains atours avant d'exhaler son dernier souffle terrestre, rendue à une ultime grâce désincarnée.

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Les iris, souverains dans leur dignité, nous rappellent qu'ils furent emblème royal, rien n'est plus délicat que les jeux de lumière à travers les transparences de la complication de leur corolle, leur texture si ténue se détache à merveille sur le vieux mur de pierre et sa pâleur s'offre le repoussoir de l'éclatante pivoine, sa voisine ; plus modestes mais couleur d'or, les iris sauvages ourlent l'étang et se prêtent aussi volontiers au jeu des bouquets.

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Finissons cette promenade en fleurs de mai par la féérique mise en scène des marroniers qui, piqués de cierges roses ou blancs, commencent aussi à tapisser le sol de leurs dépouilles, comme après la fête.
Fête d'un printemps qui n'eût de son nom que ses fleurs.

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Commentaires
H
@ Ghizlou : Mais tu dois savoir l'origine du mot orchidée, ça vient du grec "orchis" qui veut dire "testicule", alors entre les orchidées et une représentation virile...<br /> Ma fesse droite est jalouse de la gauche ;-)
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G
je préfère la photo by Herb Ritts aux orchidées de ta salle de bain. C'est mon choix et je l'assume.<br /> Je te bise bien bas (sur la fesse droite)
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H
@ Capello : si le "e" ajoute à la beauté, Marie et vous êtes exonérés.
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C
Mon Baudelaire est plus léger que le vôtre, celui de la mort et des charognes... Mais au moins, vous, vous l'écrivez sans "e", contrairement à Marie et à moi qui l'ai suivie dans l'erreur. Au fond, je préfère Apollinaire...
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H
@ Capello : Quel bonheur de voir, de par votre truchement, voir Baudelaire s'inviter ici.<br /> Le plus curieux étant que j'ai pensé en écrivant la mort des fleurs aux "Métamorphoses du vampire"
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