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Le blog de HP
29 septembre 2009

Rien, un petit rien

Un rien, échoué, suite à la fortune des transmissions, sur cette coiffeuse de la "chambre des iris".
Ce rien c'est cet angelot porte-miroir que vous apercevez sur la gauche du meuble.

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Quel fut l'itinéraire de ce putto à la lisière de la laideur ?
Si j'en juge par son époque, charnière du dix-neuvième et du vingtième siècle, il dût appartenir à la deuxième épouse de mon grand'père Jules avant qu'il n'épousât sa très très jeune cuisinière, Marie, ma grand'mère.
L'ornement dut aller de l'appartement de Bordeaux à la villa d'Arès, et après un passage à Moumour, petit village au nom si rigolo près d'Oloron-Sainte-Marie où s'était retirée Marie la jeune veuve, il échut en mille-neuf-cent-quatre-vingt-sept à Henriette, et, dans ce désordre charmant et inextricable dont elle seule avait le secret, il émergeait des autres riens qui encombraient sa table de chevet gauche.
Suite à la disparition de maman, le voici arrivé en cette chambre de Charmes.

Parle-moi donc un peu, bibelot de semi-pacotille, fus-tu acquis dans le rayon "décoration" d'un grand magasin tel que "Aux Dames de France" de Bordeaux ou dans un de ces boutiques de frivolités de cette volage "Belle-Epoque" ? As-tu été un choix ou un cadeau ?

En tout cas, dérisoire ornement, tu manques singulièrement d'audace, tu ignores avec dédain les formes de l' Art Nouveau que les bourgeois de "bon goût" appelaient, dans une moue de mépris, le "style nouille" ; oui, tu es bien timoré face au vase et à l'encrier qui te tiennent compagnie et qui, eux, sont résolument "modernes".
Tu restes terriblement conventionnel et représentatif de cette "République des Jules", troisième du nom et où le "bon ton" voulait que le salon soit de ce Louis XVI raide et empesé de fabrication récente, la chambre à coucher du Louis XV lourd et pâteux des fabrications en série de l'époque et la salle-à-manger de cet inévitable Henri II au répertoire "Renaissance" répété ad nauséam.

Sur ce socle de marbre d'un rose pâle les pieds qui te supportent sont vaguement rocaille tandis que les guirlandes et les perles qui décorent la monstueuse mandoline ue tu supportes sur ton épaule droite  se veulent une évocation du style de Trianon.

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Mélange des styles, "historicisme" de pacotille, si représentatifs du "goût bourgeois", précautionneux et vaguement vulgaire, repu de références desséchées.

Mais toi, petit elfe au périzonium en goguette, quelle fut ton histoire ? Tu as dû en subir des malheurs, pourquoi le manche de ta mandoline dont le miroir biseauté ne sert qu'à réfléchir passivement s'est-il brisé ?
La médiocrité du composant qui te constitue, un régule incertain et la disproportion entre la lourdeiur de la caisse et la fragilité du manche ont eu raison de ta résistance. A moins qu'une chute ou un mouvement de colère...
Et cette couverte d'un bistre douteux qui te recouvre ? Masque t-elle la précoce dégradation de la matière ou est-elle une tentative plus tardive de "rajeunissement" ?
Qu'as-tu reflété ? Ou qui ? Par hasard je suppose car l'exiguité de ta surface pouvait tout au plus permettre une rapide retouche du fard.
Tes profondeurs virtuelles ont-elles gardé en souvenir les visages qui, parcellairement, ont été piégés par ton reflet ? Dans ce cas je suis désormais ajouté au vivier des vanités ou des rages que tu recèles.

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Tu ne dis rien, taiseux, figé, mièvrement laid ; ton instrument abîmé, tu gardes coites tes paupières inertes, la lèpre de la peinture qui t'enrobe n'ajoute rien à l'idéal d'insignifiance que tu représentes ; dans un marché aux puces tu serais vendu dans un bric-à-brac de "tout à cinq euros" et on te marchanderait à trois.
Mais tu as eu une vie de témoin, tu as voyagé, tu as trouvé ta place ici ; tu fais partie de l'itinéraire qui t'a amené jusqu'à moi.
Je crois que je t'aime.
Un peu ?
Attends-moi sagement, je pars à Marrakech prolonger un peu l'été, jusqu'au treize.
Peut-être, au retour, un reflet de ton sourire s'animera t'il sur ta vilaine petite bouche...

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Commentaires
H
@ Jeanne : je sais que tu sais, et en cela nous sommes frères.<br /> Je t'embrasse Jeanne.
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J
s'attacher aux objets<br /> parce qu'ils ont appartenu <br /> aux aimés<br /> un lien par delà le monde, le ciel, la vie<br /> <br /> je t'embrasse cher toi
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H
@ Pelrin : Je ne suis pas non plus matérialiste, Damien, mais j'aime les témoins des vies passées et bientôt des nôtres. Peut-on appeler cela fétichisme ?<br /> Merci de ta visite.
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H
@ Sophie : quand j'étais petit il était dans la chambre de notre grand'mère où les accès étaient rares et courts, ils tenaient du privilège, eh bien, moi aussi il me fascinait. Il était déja cassé que tu n'étais même pas née (et moi non plus peut-être.
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H
@ Marie : Eh bien son accueil a été exquis, c'était hier.
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