Mensonges à soi-même
Temps révolus d'une enfance forcément heureuse puisque l'écumoire du souvenir en a enlevé la vilaine écume des angoisses et des névroses qui font des enfants émotifs des êtres aux douleurs rentrées parce qu'indicibles.
Vibrations de petits coeurs inquiets, contraintes subies, obligation de résultats à l'école et obligation encore de "finir ce que l'on a dans l'assiette" et de dire merci même si "l'on n'aime pas".
Être poli et ne pas mentir, même si on ne saisit pas toujours la nuance.
Aimer papa et maman malgré la réprimande, et j'en passe de ces "riens" qui vous submergent de chagrin ou d'inquiétude !
Et sourire, toujours sourire...
S'inventer des pêchés à confesse pour "faire vrai" bien que, à l'instar des héros des bibliothèques de couleur tendre, on a n'a rien à se reprocher.
Mais il y aussi la sécurité du cocon familial qui vous prémunit contre tout ce qui pourrait faire peur, et encore la pièce glissée dans la main par un papa généreux et souriant, et le parfum de maman, et son élégance, et ses baisers tellement doux que l'on souhaiterait qu'il y ait cent couchers par jour.
Jouets de Noël et présents d'anniversaire.
Parcours d'un train de province aux couleurs de l'épopée.
Grands arbres du jardin si soyeux sous la brise tendre de l'époque des étés chauds.
Givre recueilli dans une anfractuosité du mur et sucé en cachette.
Goût sur la langue des violetttes et des primevères.
Jeux, soeurs, habits du dimanche...
Et c'est ce goût de paradis perdu qui vous reste en bouche.
Alors, j'essaie de recréer le monde névrotique et délicieux de mon enfance, tel qu'il n'a jamais été mais tel que je le recompose.
A part une table de formica "pratique et vite nettoyée" de la cuisine, les meubles de mes maisons d'enfance étaient classiques, anciens et de beau bois, comme ceux qui m'entourent maintenant ; mais même si nous n'avons jamais eu de mobilier futuriste pas plus que de cretonnes aux "dessins Picasso" c'est cette re-création qui donne des couleurs à mon enfance telles qu'elle ne les a jamais connues mais qui me font revivre ces temps.
Ainsi la "chambre de Beu-Beu" à Charmes, le mensonge le plus vraisemblable que j'aie jamais fait à moi-même.