Mémoires vives

Jamais un lieu n'est aussi beau, aussi émouvant qu'au moment de le quitter.
Demain, départ vers Bordeaux et le Sud-Ouest pour les retrouvailles familiales annuelles, et déjà, mon regard sur Charmes est chargé de nostalgie ; le ciel hésite entre voiles et lumières, et au gré des caprices de ce temps changeant qui enrichirait considérablement le vestiaire de Peau-d'Âne, la "petite laine" de circonstance couvre ou découvre les épaules.

Je vais partir.
Les mousses visqueuses de l'étang, peu à peu régressent et les nymphéas rient de toutes leurs nuances de porcelaine sur un fond de plus en plus transparent.
Une brise tiède, vestige d'un printemps depuis longtemps passé, balance langoureusement les feuilles des arbres comme si leurs milliers de petites mains vertes se préparaient aux au revoir de demain.
La même brise changeante nous apporte tantôt les fragrances délectables des tilleuls en fin de floraison, tantôt les remugles écoeurants d'une bête en décomposition enfouie quelque part dans les environs.

Charmes attendra mon retour et nous ne fermerons pas les volets, le balancier sans fin des lunaisons et des ensoleillements jouera sans nous sur les vitres irrégulières des hautes croisées la succession inexorables des jours qui fuient et qui naissent.
Les pluies zèbreront l'espace et, sur les carreaux, les lumières qui suivront révèleront les traînées douteuses de leurs passages.

La maison vivra, vide, les humeurs capricantes d'un été qui file sans vraiment dire son nom.

Mais Charmes n'est pas qu'une maison,  Charmes en l'Angle est aussi une modeste bourgade de Haute-Marne qui sommeille, vaniteuse encore, car encore commune à part entière riche de ses huit habitants et ses onze votants.
Son passé remonte très loin et je me rends compte que je n'ai jamais, ici, narré son histoire ni raconté ses jours.
Et pourtant, pourtant il y a tellement à dire, et nous avons ici un trésor vivant, la délicieuse Simone dont je tairai l'âge par galanterie, Simone, ma Simonette qui sait dire les joies d'avant, les bals et les fêtes du temps où la province vivait, les chroniques aussi d'un monde qui s'efface et sa mémoire réveille les fantômes qui hantent les pierres ronceuses des maisons disparues.

Simone qui fut si belle est toujours très jolie, mince et coquette elle cultive des grâces de petite marquise et vit seule depuis la mort de son "Pierrot" qui repose dans le minuscule cimetière du village.

Simone aime raconter Charmes, je reccueille avec émotion ses dires, et, c'est promis, dépositaire de cette mémoire, je vous le dirai aussi.

Bonnes vacances mes fidèles, à bientôt.

Comments

[Marie]

Sous l'influence (réussie)de quatre mains ?

[Chris-Tian Vidal]

Bonjour Henri-Pierre, je suis venu voir si nouveau billet et je suis agréablement surpris par les photographies de tes lieux de vie en forme de tapisserie sur ton blog. C'est très élégant, feutré, ça n'agace pas le regard et les lieux se répondent en miroir comme chacune de tes pérégrinations en eux.

[béné]

A mon tour de partir en vacances, en Espagne! Pour moi l'émotion n'est pas dans le départ mais dans ce que je trouverai là-bas...

[FELLINNE61]

Bonjour aux blogeurs, diseurs de blog et liseurs de blogs !
la mode étant au blog je me dis pourquoi pas me mettre à la mode et revêtir un costume de blogueuse !
je vais donc me risquer moi aussi au regard, aux regards, devenir sujet ou objet de critiques, mais après tout pourquoi pas ! tout cela n'est que du virtuel et de l'anonymat ! il suffit de ne plus y revenir pour disparaitre à tout jamais, il suffit d'effacer le blog pour passer dans l'au-delà de l'indifférence... ! alors... je tente ma chance...
http://terre-t-erres.over-blog.org

[Chris-Tian Vidal]

En réponse à ta réponse, Henri-Pierre, je crois que j'ai pêché ...une carpe... Je t'embrasse. Chris-T, en pêche...