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Le blog de HP
1 mai 2008

Le petit tailleur outremer

Marrakech, ses séduisantes sollicitations des sens et l'innocente rouerie des regards qui zèbrent la paresse des déambulations...
Mais je n'ai pas l'âme aux exotismes, une image diffusée par la presse il y a deux ou trois ans est reprise par Le Nouvel Observateur, se superpose en palimpseste à toutes mes pensées, me hante et me révolte ; la voici :

CIMG3266

Cette jolie jeune femme au tailleur couleur bleue d'outremer, accusée de meurtre, va être exécutée, là, immédiatement, d'une balle dans la nuque.
Une corde entoure son cou délicat, et, fortement tirée en arrière, comprime sa gorge l'empêchant de proférer le moindre mot.

Nous sommes en Chine, c'est loin, outre bien des mers...

La femme qui va mourir est solidement maintenue par de jeunes militaires ; leur implacable séduction glaciale a la grâce vénéneuse des Anges de la Mort ; inhumains, ils continueront à vivre après que les yeux fermés de la dame au tailleur couleur outremer aborderont d'autres rivages, outre les mers de la vie terrestre.
Elle ne peut rien dire, on lui a refusé toute possibilité de s'indigner ou bien de demander grâce, de se répandre en injures ou d'accepter dignement son sort ; voudrait'elle demander pardon ou crier son innocence bafouée ?
Nul ne le saura jamais.

Et cet élégant tailleur sous lequel bat encore un coeur, fut'il acheté en confection ? Et dans ce cas j'imagine la complaisance du regard de la coquette sur les miroirs de la boutique de mode.
Mais peut-être ce vêtement fut'il fait sur mesures par une couturière experte ? j'imagine les scènes d'essayage, le difficile choix de la longueur de l'ourlet et les polémiques autour des pinces qui devaient donner à l'étoffe la douceur d'une caresse sur le corps.
Mais, si ça se trouve c'était un tailleur-pantalon.
Pour l'heure le soin mis par l'accusée à paraître à son avantage devant les jurés est nié par la brutalité de la scène qui a bousculé l'ordonnancement du col.

Fut elle ou non coupable du forfait dont on la charge, cette jeune personne au teint de porcelaine ? Dans ce cas quelles circonstances poussèrent la jolie femme à supprimer une vie ? La jalousie, la vengeance ou la réparation d'un dommage ?
Pourquoi ne l'a t'on pas laissé seule, face à elle même, pour dérouler à l'envers le fil de sa vie et comprendre ce qu'elle a fait ?
Voilà une justice qui, la rendant à elle-même, aurait rendu de la dignité à tous les acteurs du drame, y compris l'être assassiné.

Qui peut justifier une "justice" qui sanctionne en répétant l'acte sanctionné ?

Mais, est elle vraiment une meurtrière la dame à la frange impeccable, la dame au tailleur bleu d'outremer ? Tellement de fausses accusations sont le lot quotidien dans ces régimes assis sur la négation des libertés...

Depuis longtemps le frêle corps a été rendu à la terre, à moins que ses yeux ou bien ses reins ou quelque autre organe aient fait l'objet d'un effroyable commerce dont seules les geôles Chinoises connaissent le secret.

La dame au tailleur outremer me hante, je la laisse faire, peut être celà lui rend'il un peu d'une vie trop tôt achevée dans l'effroi et la brutalité.

Vraiment, peut-on cautionner un tel système ?

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Commentaires
C
Eh oui! Et dire que nos dirigeants font mine de découvrir à peine maintenant que la Chine est une dictature. Quand je vois quelques séquences des J.O. à la T.V., je ne peux m'empêcher de penser à ce tailleur bleu. La même méthode dans l'art de tuer que dans celle de parader. Mais nos dirigeants étaient là et notre nabot de napoléon le très petit était même accompagné de son petit Louis pour applaudir et couvrir les sifflets entendus lors du passage de la délégation sportive française. A mon sens, les J.O. n'auraient jamais dû être accordés à la Chine. A Pékin, du jour au lendemain des quartiers entiers de hutongs ont été détruits et bien sûr, on a relogé tout ce petit monde jaune dans des impersonnelles boîtes de béton triste. Le petit tailleur doit regarder ça du TIAN et se dire que ce petit monde qui feint de nous diriger est bien mesquin. Je ne pense pas aux athlètes, je pense à elle, métonymie de tous les autres, figure emblématique de la répression du pouvoir central de Chine, Pékin. Si l'on veut humer la Chine car le pays est beau,très beau, il faut prendre le train, sièges durs et partir pour les campagnes. Je me demande d'ailleurs comment les sportifs peuvent déployer leurs talents physiques par la moiteur polluée des journées pékinoises... C'est ce billet qu'il faudrait passer en boucle sur les toiles et les écrans des illusions occidentales perdues et non "nos" athlètes dont l'olympisme me rappelle de bien mauvais souvenirs, en d'autres temps, en un autre continent. C'est à elle que je pense, tailleur bleu élégance, et c'est ce billet que j'ai voulu relire ce jour. Merci, Henri-Pierre. Chris-Tian.
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M
En regardant (le gros plan) des militaires chinois hissant le drapeau olympique - au passage ce n'était pas idéal mais sûrement idéologique - le tailleur outremer m'est apparu. <br /> Heureusement que l'allumage de la vasque était époustouflant, à en avoir des frissons, on aurait pu croire que l'athlète disparaissait dans l'embrasement ...
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J
Je reçois ce matin, par la poste,"Droits de l'homme,j'écris vos noms" édité par Couleurs Livres à Charleroi 6000, et dans lequel j'ai écrit un texte sur mon père qui a fait de la détention préventive injustifiée et qui, selon moi, en est mort. J'ai été très ému par votre texte sur l'assassinat de cette jeune chinoise, je voulais vous le dire, doublement sans doute à cause de mon père victime d'un excès <br /> occidental, en Belgique flamande capitaliste ...
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P
peut-être est-elle coupable, peut-être a-t-elle prémédité un acte que tu ne pourrais même pas concevoir tant il fut obscène car ni les jupes bleues, ni les cils allongés ou coupe de cheveux de jais ne sont révélateurs de ce que sont les hommmes, ici les femmes, les tyrans ont-ils tous des traits cruels et le dictateur birman du moment porte-t-il inscrit dans le repli de son front toute sa cruauté, il n'empêche, rien n'excuse un pays aussi barbare, rien ni surtout sa justice de parodie, son cinéma de séduction qui, semble-t-il, a réussi à faire se calmer le monde, les jeux ouvrent bientôt, non et combien seront-ils les lâches à s'en délecter, s'en tenir informés, pire porter les mascottes aux yeux de sang, la chine, je ne l'aime pas comme ça ni d'ailleurs autrement, c'est un pays dans lequel je me suis senti agressé, piétiné, cette absence de courtoisie dans les rues des mégalopoles ou d'ailleurs, cette ruée vers on ne sait quoi comme ces bousculades, cette révoltante cruauté vis à vis des animaux, cette saleté assez largement répandue et une hygiène assez rare, j'ai pas aimé, vraiment, mais moi, je ne fais que passer, je n'ai pas de message ni de jupe de confection.
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C
Ta suprême élégance, Henri, c'est de t'attacher à ce tailleur- pas grand chose finalement ce tailleur et de l'ériger comme un réquisitoire contre la peine de mort. L'élégance du tonnerre. Tu es un grand!<br /> (Ton billet devrait être largement diffusé.)
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