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Le blog de HP
7 décembre 2007

Compagnons de papier

Pour aussi loin que remonte ma mémoire, et pourtant je me rappelle mes barboteuses, il y a toujours au moins un livre en cours à portée de ma main.
Jusqu'à un âge assez avancé je lisais peu de revues, magazines ou périodiques, convaincu que j'étais que la plongée dans l'évènement pouvait me tenir éloigné du profond, de l'essentiel. Le radicalisme de la jeunesse disparu, je me tiens informé avec application de l'actualité, ne serait ce que pour nourrir mes indignations et donner un socle à mes révoltes. Mais, j'ai toujours, en cours de lecture, plusieurs ouvrages.
Je ne conçois tout simplement pas la vie sans mes compagnons de papier.
Je lis lentement, revenant sur une phrase plusieurs fois s'il le faut, soit pour me pénétrer de son sens, soit pour me réjouir de sa musique ou encore pour retarder la fin de la lecture, l'abandon de ce compagnon, car d'aucune séparation je n'ai jamais su sortir indemne.
J'aime aussi l'odeur des livres, aussi tenace que celle du cuir des cartables de mes écoles.
Je n'ai jamais jeté un livre, même de poche, les seuls manquants sont ceux qui prêtés, ne m'ont pas été rendus.
Il reste à Bordeaux, chez ma mère, ma bibliothèque de jeune homme, encore pleine d'épaves que j'évite parfois de revoir pour ne pas mesurer la douleur du temps qui passe et me repaître de ses nostalgies.
A Marrakech aussi, les livres s'amoncellent inéluctablement.
Tous mes lieux regorgent d'ouvrages imprimés ; les non encore lus, en grand nombre, ne font pas barrage aux acquisitions compulsives.
Charmes recèle des centaines d'ouvrages dans le plus grand désordre, aucun classement raisonné qui m'ôterait la fièvre râleuse de la recherche et le soulagement de la trouvaille.
Paris, compte tenu des limites de l'appartement, n'offre au rangement de mes livres que le volume de deux petits meubles bibliothèque, les voici, l'un dans le vestibule, l'autre dans la chambre.

CIMG1913CIMG1908.
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Trois lectures ont m'ont particulièrement marqué ces derniers temps ; dans l'ordre :

Louis XVI de Jean-Christian Petitfils

CIMG1912


La première étude exhaustive de ce monarque beaucoup plus complexe que ce que les poubelles de l'histoire où on l'a injustement jeté ne le laissent présager.
Après la lecture de cet ouvrage particulièrement bien documenté, à rebours de tous les partis-pris officiels des "Lagarde et Michard", on bénéficie d'une vision de la fin du dix-huitième siècle très différente de celle que nos repères antérieurs avaient forgée.
Ce n'est ni une hagiographie ni une réhabilitation, c'est une analyse psychologique fine et honnête dans un contexte historique parfaitement maîtrisé.

L'élégance du hérisson de Muriel Barbery

CIMG1911

Méfiant de tout tapage médiatique, j'étais plutôt prévenu contre ce livre. L'enthousiasme de Charles a aboli ces réticences et grand bien m'en a pris ; un microcosme, un immeuble et tous ses occupants sert de toile de fond à une peinture de moeurs dans le monde hiérarchisé d'un quartier "bien habité" ; La rébellion contre le médiocre et  les conformismes ne vient pas de là où l'on s'y attendrait ; la langue, d'une grande richesse, est ici mise au service d'un humanisme lumineux.
Un conte philosophique par un Voltaire exempt de narcissisme et d'agitation sociale.
Une coruscante analyse du toujours dans le jamais et du jamais dans le toujours et de l'éternité dans le moment éclaire cet ouvrage d'une intelligence remarquable.
Et, beau présent pour l'historien de l'Art que je suis, les pages 216 à 220, offrent une réflexion sur l'art, complètement originale et d'une pertinence qu'il est rarement donné de voir.
Le Savoir et la sensibilité d'une universitaire qui n'a rien d'un mandarin.

Guy Môquet au Fouquet's de Pierre-Louis Basse

CIMG1910

Un pamphlet-bonheur de quarante-six pages et un peu dénonçant avec un brio implacable le détournement de l'Histoire par la Sainte Vulgarité ambiante.
Une saine réflexion sur la transmission culturelle par les parents-passeurs et le respect de ce bagage qui vous accompagne toute la vie dès lors que vous avez eu la chance de le recevoir.
L'histoire et ses acteurs replacés dans leur sens et une salutaire indignation contre les manipulateurs qui les trahissent de façon éhontée.
A mettre entre toutes les mains.

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Commentaires
J
J'ai lu cette après-midi, dans une librairie, les pages que tu signales dans "L'élégance du Hérisson" : il me semble que l'analyse, qui y est faite, se situe dans la position du spectateur, celui qui "reçoit" l'œuvre d'art. Je ne suis pas sûr qu'elle puisse s'appliquer aux créateurs... Mais il y avait un tel monde, un tel bruit, que je n’ai peut-être pas saisi toute la portée des mots de Muriel Barbery.
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H
@ Jean-Yves : Eh bien moi, j'y ai trouvé une belle résonance.<br /> il n'en reste pas moins que pour qui pense, la bousculade des idées et la précipitation des états d'âmes brouille les pistes et nous rend parfois étrangers à nous mêmes. Mais bon, c'est cela vivre, non ?
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J
Je relis mon premier commentaire et je le trouve aujourd'hui bien peu pertinent et complètement décousu. Quel argumentaire j'avais en tête, quand je l'ai déposé ? Je n'arrive pas même à retrouver la logique que j'avais...
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H
@ Jerem : J'ai vu ton article, et nous avons lu le livre à peu près à la même époque, peu de temps après sa parution. Je suis touché de la similitude de nos conclusions.
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J
J'avais aussi très apprécié la biographie consacrée à Louis XVI par Jean-Christian Petitfils; j'avais rédigé un article suite à cette lecture d'ailleurs.<br /> <br /> http://historianman.over-blog.net/article-5015965-6.html#anchorComment<br /> <br /> Moquet au Fouquet's, il faut absolument que je lise cela; rien que le titre m'attire.
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