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Le blog de HP
23 octobre 2007

Sakakini

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L'horizon du Caire bute sur les pyramides, le sphinx de Guiza scrute la ville.
Nulle part ailleurs que dans cette ville les histoires se mêlent, se télescopent, se juxtaposent et s'allient en toute connivence  pour  tisser une Histoire ; aussi serait'il vain d'aborder l'Egypte sous l'angle d'une succession séquentielle d'événements, une chronologie.
Un Egyptien nous a dit sa reconnaissance pour la France qui a "soigné notre roi Ramsès II". Etonnant continuum de plus de sept-mille ans qui habite l'esprit des peuples du Nil.

Non, je ne vous présenterai pas, dans ce billet, un compte rendu touristique, tellement d'ouvrages le font si bien ; et puis, cette rencontre avec un pays n'est pas un itinéraire de culture ou d'agrément, c'est un voyage de l'âme, de l'esprit.

Alors, dans ce carrefour d'influences et ce creuset d'élaborations fulgurantes ce n'est pas un guide que j'ai voulu, c'est un compagnon initiatique qui, disparu mais toujours vivant, m'a pris par la main et m'a donné ses yeux pour voir toutes les beautés immémoriales et présentes se fondre en un tout vertigineux, témoignage d'une intelligence protéiforme dont toutes les composantes participent d'un Savoir unique.
Mon mentor s'appelle Sakakini Pacha.
En 1897, Habib Gabriel Sakakini Pacha, le Seigneur des couteaux, contemporain du Khédive Ismaïl inaugura le palais  baroque et déconcertant qui, parmi d'autres réalisations comme l'Opéra du Caire, concourait à la volonté de faire du Nil un carrefour cosmopolite à égalité avec l'Europe.

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Dans ce quartier de Daher, où huit rues rectilignes convergent vers vôtre Palais, le temps, Ô mon Pacha, a apparemment effectué bien des ravages ; votre demeure aux  je ne sais plus combien de centaines de fenêtres, a été bien malmenée par le temps et le tremblement de terre de 1992.
Mais je sais que la Renaissance s'amorce, votre petit fils médecin, qui légua l'édifice à la ville,après les menaces d'expropriations de 1952, afin de le dédier à la médecine verra son voeu s'accomplir, les travaux de rénovation du futur musée sont enfin décidés, l'ensemble retrouvera ses ors et ses miroirs.
Je vous remercie, Ô Sakakini Pacha, de m'avoir accueilli chez vous sous la forme de ce chat roux, vous qui aimiez tellement les félins, et, votre quiétude altière m'a révélé, entre deux paires de colonnes jumelées, l'effigie de votre enveloppe charnelle.
Nous pouvons bien nous tutoyer à présent, Ô Habib, puisque aimanté par tes promenades en ta demeure, j'ai pu me repaître des multiples statues qui, bien qu'oeuvres d'artistes italiens, chantent avec lyrisme la grâce des femmes de ton pays.

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Rares sont les femmes qui sortent les cheveux au vent, si certaines sombres pharaones promenant avec ostentation la viduité de leur séduction hantent les rues de leur mystère noir et que les lieux à la mode voient de jeunes émancipées arborant avec détermination leur cascade de boucles, la plupart ont opté pour un hidjab détourné de sa vocation : artistement troussé et de couleurs tendres ou éclatantes, le tissu de zéphyr sert d'écrin à des visages où éclosent avec fracas les paupières et les bouches savamment fardées.

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Te souvient'il, toi le Chrétien d'Islam, Ô Habib Gabriel, toi aux prénoms si évocateurs de tous les syncrétismes, de cette période pas si lointaine où les reines Farida ou Narriman donnaient le ton à une société avide d'Occident et où la splendeur opulente des riches cairotes ou alexandrines, n'avait rien à envier aux élégances Parisiennes ?
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J'imagine, Ô Sakakini Pacha, les beautés tapageuses qui devaient enchanter tes soirées de Daher dans ce palais alors opulent, comme un écho à la résidence du roi farouk à Montazah, sur la côte d'Alexandrie.

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Alexandrie, un temps, fut peut être la réalisation de ce rêve venu avec Suez dont tu fus, Ô Pacha des Couteaux l'un des plus influents initiateurs ; mais je ne regrette pas la métropole de toutes les vanités du "Quatuor d'Alexandrie", car je préfère les langueurs nostalgiques auxquelles s'abandonne la cité du delta avec l'ivresse de l'anéantissement semblable au rêve nonchalant des fumeurs de chicha.
Et puis, comme de toute éternité, le soir vient avec la chute de Râ derrière l'horizon ; la voûte étoilée de Noût viendra très vite envelopper la ville.

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A ces splendeurs répondaient au Caire les somptueux édifices au luxe éclectique contemporains de la construction du canal, t'es tu promené, Ô Pacha, dans les corridors de l'hôtel Marriott construit pour la venue en ta ville de l'Impératrice Eugénie ?
T'es tu posé la même question que moi, au vu du pied de la fontaine de marbre du vestibule : qui, de la chèvre ou du satyre poursuit l'autre ?
Deux corneilles férues de perchoirs précieux me l'ont confirmé.

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Je te remercie encore, Ô mon Pacha, du don que tu m'as fait en parcourant les allées du tout nouveau jardin construit par l'Agha Khan.
Cette île de fraîcheur, ancienne décharge aménagée par l'opulent donateur, est un véritable balcon sur Le Caire, immeubles et minarets surgissent des remparts en cours de restauration ; ému par la bouleversante vastitude (Merci Ségolène d'avoir rendu possible cette sorte de néologisme) je laissais la vacuité de mon esprit aspirer ta ville quant un cri vibrant vint me sortir de ma torpeur, un faucon de brun criblé de blanc planait au-dessus de moi. Tu m'envoyais l'éternel Horus pour me dire le non-bouleversement du monde et m'assurer de l'insignifiance de l'évènement , ce dérisoire soubresaut de vanité, cette ridule dans l'infini de l'essentiel.

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Nous allons nous séparer, Ô Pacha l'habibi, Ô Habib le bien-nommé, j'ai la gorge serrée car tu as été si présent, toi mon frère d'Egypte, toi qui es tellement l'Egypte et toutes les valeurs d'éternité qui l'habitent.
Je ne puis m'empêcher de penser, en laissant mes yeux glisser sur les felouques du Nil, que c'est sur leur voilure que tu t'éloignes et que les légers frémissements que leur inspire le vent chaud de cette fin d'après-midi, sont les mouvements d'adieu que m'adresse ta main.

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P.S. Je remercie le "Sakakini" figurant dans mes liens cette rencontre qui sans lui aurait été fort peu probable.

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Commentaires
H
Merci de votre visite ici. Merci de saluer cet homme de ma part, voulez-vous bien ?
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Z
Jusqu'à hier je ne connaissais rien de Gabriel Habib Pasha, une rencontre grâce à notre chat Pasha à fait que je me suis lancée sur internet à la poursuite de ce personnage et je suis tombée sur votre blog, il y a bien un lien avec les chats dont m'a parlé cet homme se disant arrière petit fils de Gabriel Habib Pasha Sakini.
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H
@Eva : merci de ré-exhumer ce billet au moment où l'Egypte a besoin, tellement besoin, de poésie et de rayonnement. D'autant plus que là est sa vraie nature
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E
Avec toi, un voyage n'est pas un voyage, c'est une féerie... <br /> <br /> "Qui de la chèvre ou du satyre poursuit l'autre ?" Voilà bien de quoi occuper mon esprit futile...<br /> <br /> Tout avec toi est ludique, léger et somptueux...<br /> <br /> Merci d'être toi, et de te donner aussi généreusement...
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H
@ Lucile et Lucien : Merci au bon vent qui vous a menés jusqu'à moi.
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