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Le blog de HP
20 juillet 2007

Erotisme chaste

L'appellation ne m'appartient pas mais je l'ai faite mienne.

Deux courants artistiques, tous deux antiquisants co-existent, parallèles et étrangers l'un à l'autre, pendant la période néo-classique, à cet instant de l'Histoire où l'ancien monde  s'échoue sur les rives de l'ère nouvelle.
Si le "grand genre héroïque", incarné en particulier par David, s' exalte de sacrifices à la Patrie en sonores marches guerrières, cette influence a cependant des limites ; cette forme d'art "Romaine" lasse certains esprits plus délicats se réclamant de l'aimable spiritualité Athénienne sans oublier la pointe de galanterie de la génération antérieure.
S'épanouit ainsi sous le ciseau ou le pinceau caressants de certains sculpteurs et peintres une représentation idéalisée et spirituelle, que nous nommerons "l'érotisme chaste".

Eros se rit de Bellone.

Un goût prononcé, vous avez maintes fois pu le constater, pour les fluctuations des périodes de transition, me porte à apprécier tout particulièrement cette grammaire artistique qui, de la fin de l'Ancien Régime à 1825 environ,  voit l'ordre d'antan s'échouer et peu à peu se dissoudre dans l' ère nouvelle, entre convulsions et nostalgies.

Bien sûr, je ne prétends pas faire ici une étude exhaustive de cette forme d'art lisse en apparence mais vénéneuse par son insondable désir d'ailleurs.
Sous la légèreté des formes et la retenue des expressions sourd une tristesse profonde, une mélancolie diffuse qui sont à la toile ou à la pierre ce que la rêverie est à la pensée.
Les quelques exemples que je vous propose vont puiser plutôt dans l'oeuvre d'artistes pas forcément des plus renommés mais , à mon sens, représentatifs de ce souffle de tristes et languides zéphyrs.

François-Xavier Fabre  expose au salon de 1789 ce Saint Sébastien mourant plus, semble t'il, d'un mal inexprimable que de l'unique flèche qui lui transperce un bras.

fabre_st_seb

De ce corps parfait se dégage une sensualité brouillée, insidieuse parce que retenue, la religiosité est plus que discrète, à moins que Fabre ne jette un pont discret par cet éphèbe évanescent entre le corps et le divin.
Retenu par un seul lien, le corps drapé du rouge de la Passion (aux deux sens du terme) s'affaisse mollement, la main droite caresse le sol suavement comme une dernière reconnaissance avant le retour du corps à la terre.
Pacte élégiaque avec le passage à l'ailleurs.
Le paysage est à mi-chemin entre le naturel et l'idéalisé, le visage fermé et inexpressif privilégie le langage de l'attitude du corps.

1792, Charles Meynier exécute cet Amour pleurant Psyché

meynier

Amour, éphèbe quasiment androgyne, secouru par une volée de putti et caressé par une voluptueuse lumière, s'abandonne à son chagrin, c'est encore une mort qui est illustrée ici, la mort de l'être cher, de la meilleure part de soi-même qui ne peut vous laisser que survivant d'un désastre affectif. Un rescapé en quelque sorte dont la vie ne sera plus que le tombeau des amours mortes.
Le catalogue de 1989 d'où vient cette illustration dit à merveille ce qui pourrait être une définition de cette forme d'art :
"... une sensualité exangue... une tendance commune à beaucoup d'artistes néo-classiques, qui aiment surtout à traduire , dans les fables érotiques, la tension d'un désir contenu".

Anne-Louis Girodet, offre en 1798 cette Danaë ambigüe

Girodet_Danae

Le corps offert à la pluie d'or par  laquelle Zeus l'ensemence dans sa tour-prison tandis qu'elle se repaît de sa propre beauté sur le miroir tendu par l'angelot, semblerait traité avec plus de chaleur, mais le sujet est cependant hors d'atteinte, muré et abîmé en lui-même, absent aux autres et ne connaissant de l'amour que le contact d'un métal précieux.
Vierge désirable et frigide, l'érotisme se noie dans une chasteté implacable.

Cette gravure d'après un tableau perdu de Louis Hersent, représente, en 1817, Daphnis et Chloé

hersent

Les corps parfaits ne semblent parcourus d'aucune onde de désir bien qu'ils soient enlacés. Daphnis ôte une épine à Chloé, est-ce là une vision inversée de l'acte d'amour ? Une sublimation du désir ? Epine et grotte, à la lourde symbolique pourtant, se présentent, l'une retirée et l'autre non franchie comme des renoncements aux plaisirs de la chair. Cet amour idéal, nous renvoie inexorablement au roman de Bernardin de Saint Pierre, "Paul et Virginie".

Entre 1787 et  1792,  Antonio Canova, inspiré lui aussi par le thème fatal de Daphnis et Chloé, sculpta ce magnifique groupe où la froide sensualité du marbre s'allie à merveille au sujet.

canova4

Les corps du pâtre et de la bergère se frôlent sans s'atteindre, les lèvres se tendent les unes vers les autres mais ne se rejoignent pas. Daphnis et Chloé sont les parangons des amours impossibles (nous ne connaissons pas encore la fin), les bras de Chloé, arrondis en forme de coeur tentent de retenir Daphnis dont les ailes l'éloignent déjà d'elle.
Pureté dure et lisse de la pierre, élan d'amour irréalisé, les paradis ressemblent à de suaves enfers.

Pour clore, si le titre de ce billet devait être illustré par une seule oeuvre, je choisirais ce Cupidon jouant avec un papillon d'Antoine-Denis Chaudet, présenté en 1802. Je suis peut être un peu subjectif vu mon goût prononcé pour Chaudet, qui, a lui seul mériterait tellement plus, veuillez m'en excuser.

Chaudet_Cupid

L'éphèbe ailé et bouclé offre un corps d'une grâce extrême, la douceur des courbes serait tentatrice si elle n'était sublimée par ce carrare très pur (essayez d'imaginer le sujet en terre cuite) abolissant toute idée de chair.
Ange troublant occupé seulement d'un papillon, ce qui semble moins innocent dès lors que l'on sait que le frêle animal volant est le symbole de l'âme...

L'érotisme chaste, une tentative d'union de l'amour profane et l'amour divin ?

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Commentaires
J
suis là<br /> je lis<br /> tous ces amours ...<br /> je t'embrasse
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D
Article intéressant où tu as relevé pas mal d'exples...quant à cupidon, personnellement je le préfère quand il fait son travail plutôt que de s'amuser avec un papillon...:P<br /> Biz
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A
Nico, tu m'emlèves les mots de la bouche -;)
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N
Bon, c'est pas tout ça, mais les godes "18ème" de la comtesse, ils sont cachés où dans le chateau ?
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S
Juste pour te demander pourquoi les angelots du second tableau ont des têtes si "répu" ? Même la tristesse ambiante de cette peinture n'explique pas qu'ils aient l'air... d'avoir une tête de "asque"...
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