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Le blog de HP
29 juin 2007

Jeu d'écritures

encres__1_



Ecrire me paraît résolument être un luxe ultime ; luxe non pas au sens dévoyé que lui donnent nos sociétés marchandes, mais en tant qu'attitude de résistance à la banalisation.
La rédaction d'une lettre me semble être un acte d'insoumission à l'impérialisme de la vitesse, c'est, à mon sens, une preuve d'attention et donc de respect pour le destinataire, c'est en quelque sorte une preuve d'amour.

Réservons donc aux formulaires administratifs, qui ne méritent pas mieux, l'usage de l'indigent stylo à bille...

Je m'apprête, mon amie ou mon ami, à vous faire un courrier ; j'ouvre le bloc de papier au grain quelque peu rugueux sur le maroquin rouge de mon secrétaire, et trois possibilités s'offrent à moi. Le choix du moyen dépendra un peu de l'humeur, peut-être aussi d'une envie soudaine, urgente comme un appel, ou à tout un concours de motivations subliminales dont le sens me reste étranger.

Il y a fort longtemps, maman, toujours optimiste, me crût soudain adulte et j'eus droit, eu égard à cette dignité nouvelle, à un magnifique Waterman doré, je n'ai jamais gratté la surface aux brillantes facettes pour garder l'illusion que le précieux métal pourrait être autre chose qu'un simple placage.
Seule cette marque de stylographes vous procure l'émotion de petit déclic qu'émet le capuchon lorsqu'on le tire pour libérer la plume ; en effet, il n'y a pas de système de pas de vis et donc, lorsque vous refermez l'objet vous avez droit au même petit bruit indéfinissable, bref et moelleux.
Il m'arrive, pensif et pour meubler la vacuité de mon cerveau en sommeil, d'actionner le capuchon dans les deux sens pour m'offrir un petit concert de "ch'pouik, ch'pouik".
La plume de mon Waterman est fine et glisse agréablement sur le papier, elle se prête aux missives spontanées et rapides, au petit mot sur une carte de visite où à la petite indication jetée sur un bout de papier laissée en évidence sur la table du salon ou sur le plan de travail de la cuisine à l'intention de l'heureuse personne qui partage mes jours.
Je nourris cette petite merveille miroitante de petites cartouches d'encre de marque J.Herbin, couleur violette pensée.

Mon stylographe "Meisterstück" Mont-Blanc m'a été offert comme cadeau d'adieu par une des nombreuses entreprises où mon immense talent s'est exercé.
Si les dimensions de l'objet sont proportionnelles à l'estime de ma prestation, ils ont dû m'adorer ; que dis-je me vénérer.
L'avantage de cette taille hors normes est de bien habiter la main et je vous prie d'arrêter, avant même que de la formuler, toute interprétation aussi psychanalytique de pacotille que graveleuse.
Nous disions donc que mon Meisterstuck tient bien en main et je suis également sensible à sa robe d'un noir profond ainsi qu'à la matière dense et confortable.
Il est dommage que les pulls "Anny Blatt" aient disparu avec l'horreur de leurs complications d'une épaule poilue et l'autre rasée mais toutes deux agrémentées d'un fouillis de décorations tissées, tricotées ou encore rapportées, car j'aurais pu en acquérir un à l'occasion d'une soirée à thème ; porter ce vêtement en brandissant mon Mont-Blanc aurait fait resurgir des abysses des mémoires des plus âgés d'entre nous, les interviews d'Anne Sinclair.
Bon, foin des digressions . Disons que mon volumineux engin se prête aux courriers soit sérieux, soit de circonstance ; un peu de componction mettra une pointe de solennel dans votre style exprimé  par le bout carré de la plume de deux tons or/argent.
Je siphonne l'encre rouge sépia du caractéristique encrier par ce fameux système de pompe à vis qui vous laisse toujours et malgré des précautions infinies un souvenir brun-rouge au bout de l'index.

Mais ma lettre, Ami(e), se veut aujourd'hui la messagère de mon affection pour vous. Il faut pour ce faire que je prenne le temps de m'installer dans mon dialogue avec vous.
Je pense à toi, tu me manques, j'éprouve le besoin de suspendre quelques temps mon bonheur de toi à ton affection...
Alors, bien sûr, c'est la plume d'écolier d'antan, l'immortelle Sergent-Major, qui, fichée dans le porte-plume va s'imposer.
Je savoure à l'avance le "toc" régulier de la plume trempée dans l'encrier, le grattement râpeux sur le grain du papier,  le délicieux énervement du tarissement de l'encre au milieu d'une tirade et l'appréhension de l'inévitable pâté que je n'effacerai même pas.
J'aime aussi la peur de l'impureté accrochée à la plume qui tremblera les contours du mot s'apprêtant à peupler la feuille de papier.
L'encre qui s'impose à ma Serjent-Major est, selon l'humeur du jour, un liquide toujours J;Herbin, soit "violette pensée" soit "poussière de lune"
Je suis toujours ému par la beauté du buvard qui transforme les excédents d'encre en une figuration aléatoire "à l'aventure" ; ah, garder le buvard le plus longtemps possible afin que ses contours usés et sa surface de plus en plus habitée fassent de ce compagnon en écriture le dépositaire des émotions dites au fil de la plume.

encre_poussi_re

Ceci valait bien cela...

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Commentaires
H
@ Eva : Je ne suis pas étonné, amie, que tu sois, toi aussi, sensible à cette douce rebellion contre les standards de la vitesse à tout prix qu'est la "vraie" écriture.<br /> <br /> P.S. Encore un billet que j'avais oublié
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E
Je viens chercher par ici ma petite dose de rêve et de douceur... <br /> <br /> Il y a trois ans, je m'étais remise au stylo plume, un petit tout-modeste, mais tu l'as bien décrit, ce plaisir de la plume qui glisse toute seule... Oui, l'écriture est bien différente, on "fait un peu la tendresse" avec le papier alors... On est plus enclin à écrire la douceur, les jolis mots, penchés vers la droite... Tu as raison, Henri-Pierre, quel plaisir d'écrire avec un stylo-plume...
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S
Moi aussi je veux dire coucou à Giorgino !
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H
@ Giorgino : Me retrouver ? Mais jamais tu ne me quittes...<br /> Cependant, vivement la joie de te voir...<br /> <br /> @ Dream : Amour et nostalgies, est-ce si éloigné ?
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G
Bonheur des courriers échangés. Môts mêlés à l'encre bleue, violette ou noire sur une page blanche. Bonheur immense de l'enveloppe décachetée, de la missive lue à couvert, à l'ombre du saule pleureur, pleurs de bonheurs. J'ai hâte de vous retrouver, mon Ami...
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