Médéric
Il n'est pas question de passer pour un terrien attaché à son lopin, et moins encore pour un citadin vaguement rousseauïsant (tiens, ça existe ce qualificatif ?) se délectant du chatouillis émotionnel d'une nature si jolie à regarder.
Je ne suis pas non plus Marie-Antoinette à Trianon.
Donc, aujourd'hui, séquence mondaine...
C'était ce dernier mardi 12, l'anniversaire d'un ami très cher : Bruno M.
Rue Médéric, magnifique local classé de l'Ecole Hôtelière. Architecture des années trente glissant vers la nouvelle grammaire de Le Corbusier. Entrée monumentale aux battants de fer forgé, escalier central dont la rampe à volutes vous flanque immédiatement la nostalgie du Hollywwod de la bonne époque.
Salons à la rigueur hautaine des décors de l'Europe des dictatures ; il semblerait qu'en tendant l'oreille on pourrait percevoir les sons amortis et rauques de la voix de Zara Leander. Wen ich mir was wunchen durfte.... (orthographe non garantie, je ne suis pas germanophone).
Brillante soirée, bien entendu, sur laquelle plane la gentillesse inoxydable de Bruno M., sa femme Camille mince et vaporeuse irradie d'un sourire rayonnant et ses yeux hésitent entre affection et malice. Ses sandales dorées à talon aiguille rendent sa démarche improbable et chaloupée.
Beaucoup de gens "connus" , à ma table Charlotte V. qui, peut être pour inhiber les marques de son mal, laisse flotter une opulente chevelure qui lui donne l'air pathétique d'une poupée de porcelaine en péril.
A ma table aussi, une caricature du parisianisme le plus affirmé, je ne sais plus son nom, mais indifférente aux autres, elle émet d'une voix giscardo-anaymonesque des avis sur tout. Elle est vêtue d'un tailleur rouge vif, aussi vif que mon habit de ce soir-là, et de ce fait je ne l'en trouve que plus antipathique.
Charles sobre et chic dans son costume gris fer, Robert en chemise de soie s'empare de la piste comme d'une scène, je laisse tomber mon veston sang, et, en chemise en baptiste au jabot empesé comme une armure je me joins aussi aux danseurs. Les décibels de l'orchestre rendent tout échange vocal impossible, donc, autant onduler.
Je suis heureux de retrouver Yves, joliment aminci, toujours charmeur et charmant, mais, celle qui capte tous les regards est sa femme, Catherine. Catherine que j'aime tant que j'en ai le coeur comme un sorbet au soleil de la voir aussi belle. Elégance parfaite dans son fourreau de satin noir, décolleté vertigineux à peine assagi par une modestie de dentelle noire, elle ne s'est quasiment pas bijoutée, l'éclat de son teint sur la profondeur du noir de sa robe vaut toutes les pierres du monde. Elle est belle, très belle...
Le décolleté est, pour moi,la partie la plus émouvante d'une femme, mais pas n'importe quel décolleté, je déteste les dépoitraillages jusqu'au nombril sur des seins libres de soutien-gorge ou autre bustier de la tendance actuelle.
Il me plaît que le sein soit tenu, relevé, qu'il palpite comme une colombe dans son nid, j'aime qu'une gorge soit offerte et non que des mamelles soient exhibées.
C'est l'heure du gâteau, Bruno M. s'avance, déchaîné, couteau et pelle à tarte brandis comme un pourfendeur des bonnes résolutions alimentaires. Il est monté sur une table et danse frénétiquement sous les applaudissements des invités.
Le champagne a mis des révolvers dans tous les yeux.
Demain, déjeuner à Bar-sur-Aube, dans le Louis XVI rassurant et immémoriel des demeures bourgeoises de province.