Rigouby

La ville la plus importante près de ma campagne de Charmes est Joinville. Oui, la ville du sire de Joinville, chroniqueur de Saint-Louis.
La localité est charmante, mais, ne craignez rien, je ne vais pas transformer mon blog en dépliant touristique ; si la cité des Guise vous intéresse, eh bien je suis certain que bien des sites satisferont vôtre curiosité mieux que moi.

Joinville est donc une agglomération d'une province reculée où quelques trésors artistiques subsistent entre les temples à bouffe des hypermarchés qui donnent à une grande partie des habitants de la contrée des "petits" bidous ou des "petites" fesses aussi pléthoriques que voyants.
Il ne se passe rien à Joinville, l'ennui des ados se distille au bruit des pots d'échappement de leurs petites mobs assourdissantes.
Quelques tentatives courageuses cependant : un piano-thé, un caviste dangereusement bien pourvu, mais, vous le voyez, rien qui vienne vraiment secouer la torpeur provinciale.

Rien ?
Si pourtant, il y a le restaurant "Le petit creux".
Le Petit Creux n'entend pas, avec son menu à dix €, faire la nique au "Soleil d'Or", institution des notables de la région où la qualité et l'inventivité n'ont d'égal que les chiffres qui ponctuent chaque item du menu.
Le petit creux défie l'entendement, c'est le lieu le plus kitsch du monde, les fleurs en plastique et autres bibelots colorés feraient pâlir de jalousie la loge de concierge à l'esthétique la plus élaborée du genre qui soit.

Le restaurant appartient à Monsieur Rigouby, monsieur mûr qui affiche son homosexualité avec une faconde et une détermination qui sont absolument surréalistes copmpte tenu de l'univers vérrouillé et conformiste de notre capitale du Vallage (pas tout à fait cinq mille habitants).
Monsieur Rigouby officie avec son ex-amant aux cuisines et son amant actuel en salle. Un pacs a eu lieu dont la copie a été fièrement affichée sur la vitrine, affichage voisin de celui des chèques en "bois" cloués au pilori d'un petit panneau au dessus du comptoir sans que le nom de l'émetteur ait été dissimulé.
Monsieur Rigouby vit dans un permanent défi qui, somme toute, est digéré par les habitants de la localité.

Et puis, la semaine dernière, Monsieur Rigouby nous a raconté sa vie. Chronique invraisemblable à teinter de rose le Zola le plus sombre. Mère victime d'un mari adonné à la boisson et accro aux coups. Rage de s'en sortir et rage contre ce père aussi violent que défunt évoqué en tant que "sale c...nnard" (pas canard bien sûr).
Amants de passage dont l'image fanée nous fut montrée sur des photos des années soixante. Mariage, enfants, retour aux amants... Et puis cette véritable gouaille sincère, ultime élégance des gens qui se sont colletés à la vie sans perdre leur candeur.

Monsieur Rigouby prend sa retraite en août ; si, d'ici là, vous passez par Joinville en Vallage...

Comments

[Léopold]

Un piano-thé est arrivé à Joinville (je le sais, j'en suis!) et va bientôt repartir de cette ville à l'avenir incertain. On pourra s'en passer, mais de l'Alain et du Nono: non! Le P'tit Creux, j'y ai pleuré de rire, un endroit unique et précieux qui donnerait presque envie de rester. Merci d'en parler aussi bien!

[Henri-Pierre]

@Shaggoo :
Chiche qu'on se fait un restau
@Louise :
Tes commentaires sont tellement toniques que tu donnes la tentation de croire qu'on n'écrit pas pour rien.

[Louise]

Waou ! y'a de l'amour des gens et de la couleur dans ce post...ça donne drôlement envie de le rencontrer ce Monsieur, de goûter sa cuisine et de profiter de la chance de la rencontre.

"Et puis cette véritable gouaille sincère, ultime élégance des gens qui se sont colletés à la vie sans perdre leur candeur." Cette phrase est sublime !!!....

Et je suis râvie que certains dépoussièrent les idées reçues à grand coup de plaisir bien basiques...imboudables !!

[Shaggoo]

Evidemment certains buchent inexorablement sur les 93 pages de leur mémoire tandis que d'autres on les yeux étourdis par le spectacle de la nature... mais quoi, un bon p'tit restau ça me tenterait bien moi :)

[Shaggoo]

Evidemment certains buchent inexorablement sur les 93 pages de leur mémoire tandis que d'autres on les yeux étourdis par le spectacle de la nature... mais quoi, un bon p'tit restau ça me tenterait bien moi :)