Kitsch colonial
N'allez pas croire que je cautionne de quelque façon que ce soit le colonialisme, j'aurai même plutôt tendance à faire découler de l'aventure coloniale la plupart des bombes à retardement qui nous explosent aujourd'hui en plein visage.
Cependant, il a existé une culture coloniale qui, ignorante du substrat socio-cullturel du pays investi, s'est créé un monde idéal, cadre d'une dolce vita qui a laissé bien des nostalgies.
J'aime la nostalgie, j'ai le goût des couleurs passées et donc celui des vestiges. C'est à ce seul titre que je parle aujourd'hui de ces lieux de mémoire de Marrakech encore bruissants des conversations futiles et des airs désuets des années 50.
Il est, à Marrakech même, devant le cinéma colisée ( Soulima coulisé ) un restaurant en plein air "La Taverne" où les méandres des plates bandes ne dépareraient pas dans un film de Tati, sous les tonnelles on vous propose un menu sur des vieilles cartes usées titrées "restaurant de premier ordre". Les hauts parleurs crachouilleurs distillent les éraillements d' "evergreens" surannés. En face, le mythique calé "La Renaissance" et son mirador panoramique, témoin des équipées de la jeunesse dorée de l'époque a fermé ses portes jusqu'à on ne sait quand.
Le marché central, lui, n'a pas résisté à la fièvre imobilière.
Mais la "campagne" autour de la ville a conservé deux lieux de villégiature que je ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir.
Hôtel Al Mansour
Cet établissement, temple kitsch des alcôves aux lits circulaires, continue à se desquamer sous l'oeil impassible des pharaons luminescents qui forment une haie d'honneur de part et d'autre de l'allée centrale.
La piscine, asséchée, montre avec des manières de vieille coquette les céramiques poussiéreuses de ce qui fut naguère un solarium néo oriental.
Les salons opposent tous les styles, du baroque doré le plus délirant au marocain d'opérette, en passant par les lampions chinois.
Les jardins, mollement entretenus, sont une explosion de géraniums, plumbagos, bougainvillées, etc. sous le couvert des palmiers.
Le lieu continue à survivre, délicieusement fané, comme si les ombres du souvenir commençaient déjà à en estomper les contours.
Ma Petite Lorraine
Oui, vous avez bien lu, Ma Petite Lorraine est une guingette à une vingtaine de kilomètres sur la route de Casablanca ; tout y est peint y compris les aloès en pots, souvent les troncs des palmiers sont également enluminés.
L'endroit, tout à fait improbable, et nullement évocateur de la province française, ne laisse pas la vue se reposer une fraction de seconde. Il continue à être fort fréquenté.
Je n'ai jamais rien vu d'aussi laid mais également d'aussi attendrissant ; les vespasiennes en tessons de céramiques atteignent un sommet de poétique invraisemblance.
Rêve coloré d'un facteur Cheval exotique.
Poésie de collages d'enfants.
N'est-il pas que nous sommes loin des dépliants touristiques ?