Cadet Rousselle
Comme lui, j'ai trois maisons, mais là s'arrête la comparaison, car les miennes ont poutres et chevrons, il peut y nicher des hirondelles, mais je ne fais jamais peur aux demoiselles.
Demain soir, au revoir Paris, au revoir Charmes et Belle la plus belle des chiennes, je vais passer deux semaines à Marrakech et retrouver son habitante pérenne : Mimi.
Voici Mimi, mon fauve préféré
Mimi va sur ses sept ans, elle devrait donc avoir l'âge de raison, mais pensez donc c'est la plus adorable des traîtresses, refusant de se faire caresser quand vous avez une petite remontée de tendresse, sautant sur votre journal quand, elle, a envie d'être flattée, ronronnant comme un soufflet de forge pour tout à coup, inopinément, crac, planter ses petites griffes et ses crocs acérés sur votre main. Oh pas trop fort, mais suffisamment pour vous donner des envies de meurtre qu'elle prévient par une fuite instantanée.
Donc, dès demain, je retrouve les labyrinthes de mon quartier, les embrassades de tout un chacun qui transforment le trajet de "Bab el Ksour" porte d'accès à la médina la plus proche de chez moi à mon "derb" (ruelle cul-de-sac) en un parcours du combattant de vingt minutes, alors qu'à une cadence normale, il ne devrait pas excéder les cinq.
Mais c'est si bon cette sollicitude, ces cris de gosses : "Henriiii, Henriiii..." ou "Redouane, Redouane..." (mon prénom de là bas), c'est le début de la pénurie de bonbons et de chocolat de marque espagnole "maruja"pour les boutiquiers que je pille afin d'obéir à tant de sollicitations.
Nous avons acquis cette maison il y a de cela onze ans, lorsque ce caprice ne donnait pas de tachicardie aux banquiers sollicités. J'aime moins le Marrakech actuel d'affairistes, "jetsetteurs" ou touristes-de-masse laids, vulgaires et arrogants que dégueulent à pleine portières les cars Fram.
Mais dans ce monde en mutation, nous avons su rester des fils du quartier (ouled la oumma'a), quelques mots d'Arabe , chose rare et donc appréciée chez un Européen, sont un sésame pour le coeur et les portes des habitants ; c'est d'ailleurs cela qui donne à mes déambulations en médina des allures de campagne électorale.
En plus de Redouane, je suis communnément appelé "Chitan" (Diable) c'est justement mérité compte tenu de mon esprit facétieux et insolent qui brave tous les tabous avec force sourires et, donc, sans blesser.
Et puis il y aura le soleil, les chants des muezzins transformant cinq fois par jour la ville en vaste élan vers Dieu. Et la cuisine de Khadija (chic, ni fourneaux ni évier pendant quinze jours).
Et puis il y aura Mimi, ses ronrons et ses perfides attaques.
Et puis il y aura les cybercafés pour que je continue à vous enquiquinner de temps en temps.
Vous n'êtes pas encore débarrassées de moi... Inch' Allah.